Les années folles
folle d’inquiétude, à Céline. Regarde.
Il ouvre même pas les yeux quand on lui parle.
– C’est
peut-être pas aussi grave que ça en a l’air, m’man, répondit la jeune fille, pas
plus rassurée que sa mère. De toute façon, le docteur est à la veille d’arriver.
On va bien finir par savoir ce qu’il a.
– En
attendant, on va prier pour lui et pour ton père, décida Yvette en allant
chercher son chapelet suspendu à un clou à un mur de la cuisine.
Toutes
les deux s’agenouillèrent au chevet du petit malade et s’exécutèrent.
Albéric Courchesne
arriva au moment même où Yvette terminait la récitation du chapelet. Elle se
leva en entendant la porte de la cuisine s’ouvrir et alla au-devant du médecin,
précédé par Clément Tremblay.
– Mon Dieu !
Vous avez donc mis du temps à venir, reprocha-t-elle au vieil homme occupé à
retirer son manteau.
– J’ai fait
le plus vite possible, madame Veilleux, lui dit-il d’une voix apaisante. Où est
votre garçon ?
– Dans le
salon.
– Parfait. Restez
ici et attendez que je vous appelle, fit-il en s’emparant de sa trousse avant
de se diriger vers la pièce qu’elle venait de lui indiquer.
Clément
demeura dans la cuisine autant pour tenir compagnie à Céline, morte d’inquiétude
pour son jeune frère, que pour rapporter à la maison le diagnostic du médecin. Ce
dernier ne demeura dans le salon que quelques minutes. Lorsqu’il revint dans la
cuisine, il affichait une mine très grave.
– Est-ce qu’on
peut l’installer dans son lit, en haut ? demanda Yvette.
– Il est pas
question de le bouger, dit le médecin à Yvette qui s’était déjà avancée vers
lui. Ce serait trop dangereux… Il va vous falloir être forte, madame Veilleux. Je
lui ai fait une piqûre contre la douleur. Son état est grave et je peux pas
faire grand-chose pour votre garçon. Il a une double fracture du crâne. Il est
déjà dans le coma.
– C’est pas
vrai ! s’écria la mère de famille en hurlant son désespoir. Ça se peut pas !
Il peut pas partir comme ça ! Il a juste neuf ans.
Céline
et Anne se mirent à pleurer en même temps que leur mère. Jérôme, les traits
tirés, ne savait quelle contenance adopter devant la peine exprimée par sa mère
et ses sœurs.
– Je vais faire
tout mon possible pour le sauver, affirma le vieux médecin, mais les chances de
le réchapper sont minces. Je pense que vous êtes mieux de faire venir le prêtre.
– Si vous le
voulez, madame Veilleux, je vais aller chercher monsieur le curé au presbytère,
offrit Clément Tremblay.
Yvette
sentit alors qu’elle n’avait d’autre choix que de se résigner. Elle se borna à
hocher la tête pour signifier à Clément qu’elle acceptait sa proposition.
– All ez vous occuper de votre garçon pendant que j’examine
votre mari, lui ordonna Albéric Courchesne.
Il
entra dans la chambre dont il referma la porte derrière lui. Il quitta la pièce
cinq minutes plus tard en annonçant à Céline, venue à sa rencontre :
– Ton père s’en
tire plutôt bien, chuchota-t-il à la jeune fille. Je l’ai examiné. Sa jambe
droite est brisée à un seul endroit et la cassure est nette. Il n’a aucune
autre blessure. Je vais lui faire un plâtre. Dis à ton frère de m’apporter des
journaux pour pas trop salir le lit et d’aller me chercher le gros sac de plâtre
qui est dans le coffre de mon traîneau. Je vais aussi avoir besoin d’eau et d’une
chaudière pour faire mon mélange.
Quelques
instants plus tard, alors que le médecin venait à peine de terminer le plâtre d’Ernest
Veilleux et de lui administrer un calmant, le curé Lussier, porteur des saintes
huiles, pénétra dans la maison de son cousin. Yvette, en larmes, s’empressa d’aller
à la rencontre du curé de la paroisse qui eut à peine le temps d’enlever son
manteau avant d’être entraîné dans le salon où Anne, Céline et Jérôme se
tenaient.
Le pasteur de
Saint-Jacques-de-la-Rive posa son étole par-dessus son surplis et il procéda à
l’extrême-onction du petit mourant sous les yeux en larmes de sa mère, de ses sœurs
et de son frère regroupés au pied du sofa où il était étendu. À l’extérieur, le
soleil commençait déjà à décliner.
Après avoir
administré les derniers sacrements à Adrien, Antoine Lussier sortit seul du
salon dans l’intention d’aller réconforter son cousin. Il se retrouva nez à nez
avec Albéric Courchesne, qui,
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