Les années folles
téléphoner à Marcelle pour qu’elle avertisse Albert et Maurice.
Est-ce que je l’envoie aussi chez Desfossés ?
– C’est aussi
ben. Je suis pas capable de grouiller avec ce maudit plâtre-là, accepta Ernest
avec une grimace de douleur.
Pendant
que le jeune Veilleux allait conduire le curé Lussier au presbytère avant de
poursuivre sa route jusqu’à Pierreville pour demander à l’entrepreneur de
pompes funèbres de venir à la maison, Clément Tremblay, affamé, rentra chez lui.
Il apprit à sa mère le décès du jeune voisin pendant que sa sœur Claire lui
servait un reste de fricassée. Thérèse fut bouleversée par la nouvelle.
– Cette
pauvre Yvette ! Son plus jeune !
– En tout cas,
c’est pas drôle dans la maison, dit Clément, entre deux bouchées.
– Ton père et
Gérald sont en train de faire le train, dit-elle à son fils. Moi, je vais aller
à côté voir si la voisine a besoin d’un coup de main pour faire la toilette de
son garçon. Claire, ajouta-t-elle à l’intention de sa fille, tu t’occuperas de
faire le souper pour tout le monde. Je sais pas combien de temps je serai
partie.
– Moi, je
mange et je retourne à côté pour les aider à faire le train. Jérôme est parti
chez Desfossés et le père Veilleux est pogné avec un plâtre pour un bon bout de
temps.
– Tu
préviendras ton père avant de partir, fit Thérèse en commençant à boutonner son
manteau.
Lorsque
Thérèse Tremblay se présenta chez les Veilleux, il régnait dans la maison un
silence étrange. Les lampes à huile étaient allumées, le poêle à bois ne dégageait
pratiquement aucune chaleur et la cuisine était déserte. Céline, les yeux
rougis par les larmes, vint ouvrir à la voisine.
– Où est ta
mère ? demanda à mi-voix Thérèse à l’amie de son Clément.
– Dans le
salon, madame Tremblay. Elle vient d’apprendre la nouvelle à mes frères. Tout
le monde pleure. Enlevez votre manteau, offrit la jeune fille.
Thérèse retira ses bottes et son manteau, et s’avança dans le
salon à la suite de Céline. Elle alla serrer dans ses bras sa voisine qu’elle
entraîna avec elle dans la cuisine. Anne et Céline les suivirent.
– Il fait pas
chaud ici-dedans, fit remarquer Thérèse. Je pense que vous êtes en train de
laisser éteindre le poêle. Vous serez pas plus avancés si vous tombez tous
malades. Anne, mets donc quelques rondins dans le poêle et fais du thé pour ta
mère.
L’adolescente
fit ce qui lui était demandé.
– Céline, tu
vas t’occuper de faire le souper pendant que ta mère et moi, on va s’occuper de
la toilette de ton petit frère.
– C’est
correct, madame Tremblay.
Thérèse entra dans
le salon et fit signe à Jean-Paul et à Léo de sortir de la pièce.
– Vous deux, vous
allez allumer un fanal et vous allez commencer le train. Clément va venir vous
donner un coup de main dans cinq minutes. Attendez pas votre frère Jérôme, on
sait pas combien de temps ça va lui prendre pour revenir de Pierreville.
En passant devant la chambre, elle aperçut le visage émacié d’Ernest
qui avait fini par sombrer dans un sommeil agité, probablement induit par l’alcool
et surtout les calmants imposés par le docteur Courchesne. Il suffit de
quelques instants pour que la maison devienne une ruche où chacun s’empressait
d’accomplir une tâche, comme pour mieux oublier sa peine.
La toilette d’Adrien
était terminée depuis un bon moment quand Conrad Desfossés et son fils Normand
se présentèrent chez les Veilleux. Thérèse et Yvette avaient eu le temps de
déplacer certains meubles du salon pour faire de la place aux deux tréteaux
portés par les entrepreneurs de pompes funèbres. Ces derniers les disposèrent
au fond de la pièce et les drapèrent d’un tissu noir.
– Voulez-vous
nous ouvrir la porte d’en avant ? demanda le père à voix basse à Thérèse
Tremblay.
Les
deux hommes sortirent un instant de la maison pour y revenir en portant un
petit cercueil en pin blanc. À cette vue, Yvette fondit en larmes comme si elle
comprenait subitement que c’était pour y déposer son bébé. Thérèse s’empressa
de la faire sortir de la pièce ainsi que tous les membres de la famille pour
laisser les deux Desfossés faire leur travail. Quelques minutes plus tard, la
porte du salon fut ouverte. Conrad Desfossés tendit à Céline la literie qui
encombrait le divan sans dire un mot. Le petit cercueil avait été posé sur
Weitere Kostenlose Bücher