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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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rangeant les deux tasses
vides laissées sur la table.
    Leur
père rentra dans la maison. Yvette le regarda par dessus ses lunettes qu’elle
ne portait que pour lire ou pour coudre, avant de se pencher vers le pantalon
qu’elle était en train de réparer.
    – Qu’est-ce
que t’en penses, de l’idée du ramassage du lait ? demanda-t-elle à son
mari.
    – Ça marchera
pas, laissa tomber Ernest, méprisant, en retournant s’asseoir dans sa chaise
berçante.
    – Pourquoi tu
dis ça ?
    – Parce que
je connais les autres. Ça fera pas un mois, cette patente-là. Un beau matin, il
y en a un qui va oublier de ramasser le lait de quelqu’un ou de lui rapporter
ses bidons vides et le diable va être aux vaches.
    – Voyons, Ernest !
    – Je te le
dis ! affirma Ernest avec force. Après une couple de jours, il y en a qui
vont finir par se demander pourquoi ils gaspillent leurs avant-midi durant
toute une semaine quand ça leur prend même pas une heure et demie pour aller
porter leur lait d’habitude.
    – Oui, mais
pense à l’hiver, lui rappela Yvette. As-tu pensé que pas avoir à atteler
pendant deux mois chaque matin que le bon Dieu amène, ça a pas de prix ?
    – Ben oui. Imagine-toi
donc que celui qui va geler dehors pendant que les autres vont avoir les pieds
sur la bavette du poêle, ben au chaud, va y penser, lui aussi. Celui-là va vite
en avoir plein son casque de ramasser pour les autres, je te le garantis.
    – Si je
comprends bien, t’as pas l’intention d’embarquer ? fit Yvette en affichant
une vague réprobation.
    – Pantoute !
Moi, les patentes à Tremblay, j’en ai pas besoin et j’ai pas confiance.
    – Pauvre toi !
    – Laisse
faire, Yvette Dubé, dit son mari en haussant la voix. Je suis capable de mener
ma barque sans les autres, moi. Je suis pas un sans-cœur.
    – OK, choque-toi
pas, le calma sa femme. Je vous dis que vous autres et vos chicanes, ajouta-t-elle
en secouant la tête.
    – Ça, ça te
regarde pas, répliqua Ernest sur un ton définitif.
    Le lundi suivant, les
cultivateurs comprirent qu’Ernest Veilleux refusait de faire partie du
ramassage collectif quand Bruno Pierri leur apprit que le propriétaire de la
dernière ferme du rang Sainte-Marie n’avait pas construit sa plate-forme pour y
déposer ses bidons de lait et qu’il lui avait dit son intention de continuer à
transporter lui-même son lait à la fromagerie.

Chapitre 8
La visite paroissiale
    Les
premières gelées avaient fait tomber les dernières feuilles des arbres et
couvraient les champs d’une fine pellicule blanche chaque nuit. Les fermiers s’étaient
résignés, les uns après les autres, à garder leurs animaux à l’intérieur durant
la journée, mesure qui les obligeait à leur prodiguer plus de soins et à
nettoyer chaque jour l’étable et la porcherie. Les maîtresses de maison avaient
déjà inspecté et réparé les lourds vêtements d’hiver que les enfants avaient
commencé à porter, un peu à contrecœur, pour se rendre à l’école. Novembre
était finalement arrivé.
    Depuis quelques
jours, le frimas couvrant la toiture des maisons et des bât iments ne disparaissait plus qu’au milieu
de l’avant-midi, lorsque le soleil tentait une timide percée.
    Le curé Lussier
venait à peine de quitter son bureau pour aller chercher un livre oublié sur sa
table de chevet, dans sa chambre, lorsqu’il entendit un bruit d’éclatement
venant de la cuisine.
    –  Bonté divine ! s’écria Agathe
Cournoyer d’une voix exaspérée.
    Le prêtre poussa
la porte de la cuisine pour découvrir la vieille ménagère, debout, la mine
catastrophée, devant un gâteau dont les morceaux jonchaient le plancher au
milieu de débris de verre.
    – Voulez-vous
bien me dire ce qui se passe, madame Cournoyer ? demanda Antoine Lussier.
    – Il me
semble que ça se voit, répondit la cuisinière à bout de patience. Je viens d’échapper
le gâteau que je me préparais à glacer. Mon arthrite me lâche pas. J’ai de la
misère à tenir quelque chose.
    – Avez-vous
vu le docteur Courchesne pour ça ? fit le curé d’une voix radoucie.
    – Bien oui, monsieur
le curé, répondit la vieille dame d’une voix lasse. Tout ce qu’il a trouvé à me
dire, c’est que c’était normal à mon âge d’avoir de l’arthrite et des rhumatismes.
Il m’a donné des pilules, mais ça a servi à rien. Je vais avoir soixante-treize
ans, monsieur le curé. Veux, veux pas, je suis plus

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