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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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bien que monsieur le curé ira pas inspecter les chambres et la cuisine. On
pourrait bien juste épousseter le salon.
    Assis
à la table en train de siroter sa tasse de thé, Ernest Veilleux avait hoché la
tête comme s’il approuvait les paroles de sa fille.
    – Antoine est
pas si chipoteux que ça, fit-il remarquer à sa femme.
    – Laissez
faire, vous deux, avait vivement répliqué Yvette. C’est pas parce qu’il est de
la famille que j’ai envie d’avoir honte s’il sort du salon. C’est notre curé et
c’est une question de respect.
    – Mais il a
pas de raison de sortir du salon, m’man, avait poursuivi la jeune fille. On le
fait entrer et sortir par la porte d’en avant.
    Yvette
avait été intraitable et la maison avait été nettoyée de fond en comble. Et ce
matin, la mère avait vu à ce que son mari ainsi que Céline et Jérôme soient
présentables lors de l’arrivée du curé Lussier. Anne était chez sa cousine de
Saint-Gérard et les trois plus jeunes étaient déjà à l’école.
    Après avoir passé
une main sur son chignon pour vérifier si aucune mèche ne s’en était échappée, Yvette
Veilleux alla ouvrir la porte à son pasteur avant même qu’il ait frappé. En
passant, elle eut un coup d’œil désolé pour les cheveux courts de sa fille de
vingt ans.
    Antoine Lussier entra dans la maison en se frottant les mains pour les
réchauffer. Il trouva devant lui Ernest, Yvette et deux de leurs enfants. Après
avoir retiré son chapeau, il déboutonna lentement son épais manteau qu’il
tendit à Céline en poussant un soupir de soulagement.
    –  Dis-moi
donc, ma belle fille, aurais-tu passé au feu ? demanda-t-il à Céline en
pointant un doigt vers sa tête.
    – Non, monsieur
le curé, répondit la jeune fille en rougissant. Je les ai juste coupés un peu
trop court.
    – Ah, bon !
fit le prêtre en la jaugeant d’un air sévère. J’espère que c’est pas pour
suivre la mode de fous que les jeunes qui vivent en ville ont l’air d’aimer.
    Il y eut un
instant de gêne qu’Ernest brisa en offrant d’inviter le bedeau, demeuré à l’extérieur
dans le boghei, à entrer se réchauffer dans la cuisine. Le prêtre accepta
volontiers l’offre de son cousin. Après avoir fait entrer Joseph Groleau dans
la cuisine, Ernest lui montra une bouteille de gin et un verre qu’il venait de
déposer discrètement sur la table. Le cultivateur s’empressa ensuite de
réintégrer le salon où le curé venait de s’asseoir.
    Le pasteur avait
déjà commencé à s’enquérir de la santé tous les membres de la famille, surtout
de celle des deux religieux qu’il avait vus à la fin de l’été. Il s’informa des
projets d’avenir de Céline et de Gérald ainsi que du genre de vie menée par
Albert à Montréal.
    – C’est bien
de valeur qu’il ait choisi d’aller vivre en ville, celui-là, fit remarquer un
Antoine Lussier réprobateur aux parents.
    –  C’est la conscription qui est responsable de ça, précisa Yvette qui
avait senti le blâme du pasteur. S’il avait pas été obligé d’aller se cacher en
ville chez mon frère, Albert serait resté ici avec nous autres.
    –  Ah ! la
guerre, fit le prêtre en levant les yeux au ciel. On peut dire qu’elle en a
laissé du malheur derrière elle. Il y a au moins trois familles de la paroisse
qui ont eu des morts, sans parler de ce pauvre Eusèbe Drolet qui est revenu de
l’autre bord complètement estropié.
    – C’est
pour ça que j’aimais mieux voir mon Albert aller se cacher en ville, s’enhardit
la mère de famille.
    Le curé Lussier
sentit une critique dans la voix de l’épouse de son cousin et son visage se fit
plus sévère.
    – On a jamais
raison, Yvette, de violer la loi. Le gouvernement avait parfaitement le droit d’annuler
l’exemption qu’il avait donné aux fils de cultivateurs.
    – C’est vrai,
ajouta Ernest, qui avait toujours appuyé les bleus de Borden.
    – C’est pour
ça que nos seigneurs, les évêques, nous ont donné l’ordre de prêcher la
soumission à nos fidèles, conclut le curé. Ton garçon a peut-être échappé au danger
de la guerre pour tomber dans un piège encore plus dangereux : la grande
ville.
    –  Je suis certaine qu’il mène une bonne vie
en ville, affirma Yvette avec conviction.
    –  J’en doute
pas, dit Antoine Lussier pour l’apaiser. À quoi servirait de sauver sa vie pour
perdre son âme ? Mais continue quand même à prier pour lui,

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