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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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députation tout entière ? Je n’appartiens pas à Paris, mais aucun de nous n’appartient à tel ou tel département. Nous appartenons à la nation. En son nom, portons la peine de mort contre quiconque viserait à établir une dictature ou un triumvirat. Portons également cette peine contre ceux qui voudraient morceler la France. Elle doit être indivisible. Votons l’unité de représentation et de gouvernement. Ce ne sera pas sans frémir que les Autrichiens apprendront cette sainte harmonie. Alors, je vous le jure, nos ennemis seront morts. »
    Les tribunes applaudissaient d’enthousiasme. Retournée par l’habileté de l’orateur, par son art et par la sincérité saisissante de ses dernières phrases, la majorité, avec cette fois la Montagne, acclama Danton. Néanmoins Buzot, animé par toute la passion de Manon Roland contre le Cyclope devenu le Tartufe, ne renonçait point. « Et qui vous dit, citoyen Danton, s’écria-t-il, que quelqu’un songe à rompre cette unité ? N’ai-je pas demandé qu’elle soit consacrée, garantie, par une garde de soldats venus de toute la France ? Un décret ne suffit point pour assurer l’indivisibilité de la république. Il faut que cette unité existe par le fait. Il n’y a pas meilleur moyen de la garantir que de la confier à une force armée émanant des quatre-vingt-trois départements. »
    Assis aux premiers rangs de la Montagne, à côté de Claude qui était descendu pour interpeller plus aisément, l’évêque Gay-Vernon remarqua : « Danton semble avoir gagné la partie. » En effet, Brissot, Vergniaud, Guadet, Pétion ne donnaient aucun signe de vouloir pousser plus loin le débat. Les trois premiers allèrent parler à Buzot. Au bout d’un instant, il proposa le renvoi de la motion à la commission des six. Cependant, les jeunes Brissotins, d’abord déconcertés par Danton, avaient recouvré, après l’intervention de Buzot, toute leur agressivité. Barbaroux, Rebecqui scandaient à grands cris le nom de Robespierre et l’appelaient à la tribune. Il y monta, guindé, quelques notes à la main.
    « Citoyens, commença-t-il de sa voix grêle, en venant répondre à l’accusation portée contre moi, ce n’est point ma propre cause que je veux défendre, c’est la cause publique. » Il s’excusa par avance d’avoir à parler de lui. Puis, s’adressant à Rebecqui, il lui dit avec assez d’adresse : « Citoyen, qui avez, à la face des représentants du peuple, le courage de m’accuser de vouloir asservir mon pays, dans le lieu même où j’ai défendu ses droits, je vous remercie. » Après quoi, il se mit à patauger. « Je reconnais dans cet acte le civisme qui caractérise la cité célèbre qui vous a député. Je vous remercie, car nous gagnerons tous à cette accusation. On m’a désigné comme le chef d’un parti qu’on signale à l’animadversion de la France comme aspirant à la tyrannie. » Claude souffrait. Quel style ! Pauvre Maximilien ! il ne l’aurait jamais, le don d’improviser. « Il est des hommes, poursuivait-il gauchement, qui succomberaient sous le poids d’une pareille accusation. Je ne crains pas ce malheur. Grâces soient rendues à tout ce que j’ai fait pour la liberté ! C’est moi qui ai combattu toutes les factions pendant trois ans dans l’Assemblée constituante, j’ai combattu la Cour, dédaigné ses présents, méprisé les caresses du parti plus séduisant qui, plus tard, s’est élevé pour opprimer la liberté. »
    Tout cela était exact, mais il le disait mal et de la façon la mieux choisie pour indisposer les auditeurs. Gay-Vernon se raclait la gorge. Claude, les nerfs en pelote, tapotait du bout du pied le plancher. Danton devait s’amuser, et Pétion, apparemment impassible à son bureau, se délecter de voir dans cette situation l’ancien ami qu’il détestait maintenant. De toutes parts, on interrompait Robespierre, on le sommait de rentrer dans la question. « Assez de panégyrique ! Au fait ! au fait ! » Complètement démonté, il balbutiait. Pétion ne remuant pas, Tallien réclama l’attention pour le député de Paris. Claude eût préféré qu’il se tût et demandât du temps afin d’écrire sa défense. Pas du tout, il profitait du silence rétabli pour repartir de plus belle dans l’énumération de ses services révolutionnaires. « Et c’est là, dit-il, que commencèrent mes crimes. Car un homme qui lutta si longtemps pour la

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