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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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les Autrichiens conservaient le principal de leur force. Ils se retiraient en bon ordre avec armes et bagages. À croire que Dumouriez ménageait les tyrans !
    Tandis que les vainqueurs se reposaient et mangeaient sur le champ de bataille, Jourdan observa : « Tu sais, Dumouriez a eu probablement trop de besogne à Jemmapes et au centre pour pouvoir songer beaucoup à son aile droite. Une rencontre comme celle-ci, avec des troupes étalées sur plus de deux lieues dans une campagne au relief tourmenté, ne se conduit pas aisément.
    — J’en conviens, reconnut Bernard. Il y a tout de même là une négligence grave. Nous connaissons le terrain maintenant. Comment expliques-tu qu’un général de division, disposant de cartes et n’ignorant pas l’ensemble du dispositif, ait passé son temps à nous faire faire ces marches et contremarches absurdes ? Qu’il soit resté tout ce matin comme un piquet au pied de Berthaimont ? Tout aurait dû lui dire, s’il n’avait pas d’ordres détaillés, qu’il fallait tourner le plateau et se rabattre devant Mons pour y attendre l’ennemi. Avec cette manœuvre, dont un enfant jouant au soldat aurait eu l’idée, l’armée autrichienne devait périr tout entière ou capituler. Ma parole, si j’étais Robespierre ou Danton, je ferais guillotiner Harville !
    — Mon brave ami, tu n’as jamais été soldat dans la ligne, toi. Tu ne sais pas que la stupidité est naturelle au militaire.
    — Malinvaud et moi, nous nous en sommes rendu compte. Mais, à ce point, ça dépasse les bornes. L’incapacité devient de la trahison », répondit amèrement Bernard.
    La colère le rendait un peu injuste. Harville, en réserve, ne pouvait pas s’engager sans ordres. Le général en chef aurait dû le lancer vers Mons dès que l’adversaire avait lâché pied. Or Dumouriez se croyait alors quasiment en déroute lui-même. Sans doute savait-il son aile gauche maîtresse enfin de Quaregnon emporté d’assaut à dix heures ; sans doute, ramenant en personne sur Cuesmes son aile droite ébranlée par les charges de la cavalerie autrichienne, voyait-il Beurnonville entrer dans ce village, mais il ignorait le sort de la colonne arrêtée devant Jemmapes et à laquelle il avait envoyé à onze heures l’adjudant-général Thouvenot. En revanche, il ne connaissait que trop, par les rapports de ses officiers d’état-major, l’effondrement de son centre, taillé en pièces au bois de Flénu par la cavalerie de Clerfayt, décimé par un déluge d’artillerie tombant des étages de redoutes, et débandé dans la plaine. Mais il ne savait pas que le jeune duc de Chartres : Louis-Philippe Égalité, venait, comme à Valmy, de sauver la situation. Réussissant à rallier les débris des bataillons parisiens, il avait avec eux, au chant de la Marseillaise, irrésistiblement enlevé les redoutes entre Cuesmes et Jemmapes, au moment même où Thouvenot débouchait de cette position conquise. Dumouriez, galopant éperdument vers ce centre qu’il croyait toujours en péril, allait y jeter la réserve lorsqu’il avait rencontré le petit duc de Montpensier apportant la nouvelle du succès de son frère. Aussitôt le général avait expédié des estafettes à la division d’Harville, afin qu’il achevât la victoire en prenant l’ennemi à revers et le précipitant dans les marécages de l’Haine. Harville n’avait pas compris ces messages. Couper la route de Mons ? Il l’occupait depuis ce matin, il y progressait méthodiquement en suivant la bataille au bruit du canon. Il ne pouvait vraiment mieux agir. Manquant de l’instinct dont Bernard faisait preuve, il ne concevait pas que les Autrichiens avaient abandonné depuis longtemps la chaussée de Maubeuge et se retiraient par celle de Valenciennes à Mons. Quand l’adjudant-général du corps d’armée accourut, l’instant décisif était passé. Maintenant, il ne restait qu’à poursuivie Clerfayt comme on avait poursuivi Brunswick.
    À quatre heures du soir, l’armée française avança en masse et occupa les faubourgs de Mons. La nuit tombait. Les Impériaux sortirent de la ville à la faveur des ténèbres, Dumouriez y entra en vainqueur le lendemain.

VII
    Ce même 6 novembre 92, dans le Manège sombre, Mailhe, jacobin modelé, présentait, au nom du comité de Législation, un rapport tendant à la mise en jugement du ci-devant roi. Claude écoutait avec un serrement de cœur. Juger le roi, c’était

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