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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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n’aurait désormais aucun remords en requérant cette suppression instantanée d’un criminel. Il n’y avait pas à regretter la ciguë. Le public, lui, regrettait autre chose. En s’écoulant, il improvisait un couplet sur l’air de « Ah ! rendez-moi mon écuelle ! » :
    Ah ! rendez-moi ma potence de bois,
    Rendez-moi ma potence !

V
    Bernard était revenu le matin même, pour la journée seulement. Son bataillon partait le lendemain vers le nord. Pendant que Claude assistait à l’exécution de Pelletier, Lise et Bernard se promenaient aux Tuileries en se donnant le bras, comme deux amoureux qu’ils étaient, mais lui attristé de s’éloigner d’elle encore une fois, pour longtemps, et elle inquiète. « Quand tu n’es pas là, disait-elle, je ne suis jamais tout à fait heureuse. Maintenant, en plus, te sachant au danger, je tremblerai pour toi. »
    Louisette attirait la foule vers la place de Grève. Il y avait peu de monde dans le jardin aux verdures toutes neuves, où le Dauphin, en costume de garde national, galopait sur la terrasse au bord de la Seine, surveillé par M me  de Tourzel. Bernard et Lise s’assirent près du petit bassin. Le reflet du ciel dans l’eau immobile leur rappelait l’étang, à Thias. Ils étaient si occupés de leurs propos tristes et tendres, qu’ils ne virent point dans l’allée se diriger vers eux un grand adolescent solide, au visage tanné, portant l’habit bleu à passepoil rouge et la culotte rouge des aspirants de marine. Une jeune fille de seize ans, en robe blanche à ceinture verte, l’accompagnait en lui donnant la main, et de l’autre elle jouait avec une émigrette dont le double disque en buis montait et descendait le long du cordon auquel il était suspendu. Les rires des jeunes gens qui approchaient firent lever la tête à Lise. Elle reconnut sa nièce : Claudine Dubon. Et ce gaillard ! Mais… « Mais, par exemple ! C’est Fernand !
    — En personne, ma chère tante, dit-il en la saluant. Fernand arrivé de la mer des Indes avant-hier, de Brest cette nuit, et du Pont-Neuf à l’instant pour vous présenter ses devoirs.
    — Vous n’étiez pas chez vous, compléta Claudine, et Margot nous a dit que nous vous trouverions ici. »
    C’est ainsi que Bernard fit la connaissance de Fernand Dubon. Claudine, il l’avait déjà vue en juillet 90, pendant son séjour à Paris pour la fête de la Fédération. Quelle différence entre la petite fille de cette époque et l’adolescente dont la grâce, le piquant annonçaient pour demain une très jolie femme ! Quant à Fernand, ce n’était plus le coquebin si timide devant la réalité des « déesses » dont il rêvait. Depuis le jour de la Bastille, et ses révélations, il avait connu les charmes féminins sous bien des climats en parcourant une partie du monde comme pilotin, puis comme aspirant de marine durant les deux dernières années. À présent, il attendait d’un jour à l’autre l’épaulette d’enseigne. Claudine et lui ne restèrent pas longtemps. Ils étaient venus de la part de leur mère inviter leur tante à souper en famille pour fêter l’arrivée de Fernand que l’on n’avait pas vu depuis onze mois. Leur père s’était chargé de prendre Claude au palais de justice. « Et maman, ajouta Claudine avec une révérence, sera heureuse si Monsieur le capitaine veut bien se joindre à nous puisqu’il est ici. »
    Bernard salua gravement la jeune fille en lui répondant qu’il en serait lui-même fort heureux.
    « Elle est charmante, ta nièce, dit-il à Lise quand ils se retrouvèrent seuls.
    — En effet. Elle est très gracieuse, très gentille. Ce sera une femme accomplie. Je l’aime comme si c’était ma fille, tu sais.
    — Si tu avais dix ans de plus, mon cœur, elle serait digne de l’être, et elle te ferait honneur, car elle sera un jour presque aussi jolie que toi.
    — Presque ! Moi je pense qu’elle le sera bien plus.
    — Personne ne peut l’être autant que ma Lise. Il n’y aura jamais au monde rien de si adorable. »
    Des heures trop brèves pour eux passèrent tandis que les Tuileries se remplissaient de la foule habituelle. Ils quittèrent enfin le jardin, et, par le quai du Louvre, gagnèrent le Pont-Neuf juste au moment où Dubon arrivait avec Claude.
    Pendant le repas, Lise s’amusa de voir les regards de Claudine revenir sans cesse vers Bernard. Elle baissait décemment les yeux, mais ils retournaient vite au bel

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