Les Aventures de Nigel
roux, répondit-elle.
– Attendez, dit l’Écossais, j’allais dire – de la couleur des miens, mais tirant un peu plus sur le châtain. – Eh bien ! mistress, si je ne me trompe pas sur sa personne, c’est quelqu’un avec qui j’ai été et je suis encore intime et familier, – et même je puis dire que je lui ai rendu de grands services dans le temps, et que je puis lui en rendre encore ; je lui ai toujours porté beaucoup d’intérêt ; je crains qu’il n’ait éprouvé beaucoup de désagrémens depuis que nous nous sommes séparés, mais ce n’est pas ma faute, et puisque cette lettre vous est inutile pour celui à qui elle est adressée, regardez comme une faveur du ciel qu’elle soit tombée entre les mains d’un ami particulier de celui qui l’a écrite. Croyez en outre que vous trouverez en moi autant de pitié et de probité que dans qui que ce soit ; que je suis disposé à secourir tous les amis de mes amis de mes conseils, ou de toute autre manière, pourvu qu’il ne m’en coûte guère, – étant dans un pays étranger comme un pauvre agneau qui, errant loin de son bercail, laisse une partie de sa laine à chaque buisson anglais qu’il rencontre. Tout en parlant, il lisait le contenu de la lettre, sans en demander la permission ; puis il ajouta : – Ainsi donc, voilà tout ce dont vous avez besoin, ma tourterelle ? un asile sûr et à vos frais ?
– Pas autre chose, dit-elle ; si vous êtes homme et chrétien, vous m’aiderez à trouver ce qui m’est si nécessaire.
– Si je suis un homme ? répondit le Calédonien, oui, tel que vous me voyez ; j’ose aussi me dire chrétien, quoique chrétien indigne, et quoique j’aie entendu fort rarement de saines doctrines depuis que je suis en cette ville ; et si vous êtes une femme honnête (alors il la regarda sous le menton), ainsi que vous paraissez l’être, et à vous dire le vrai c’est qu’on n’en trouve pas toujours dans les rues de cette ville ; cependant si vous êtes une femme décente et honnête, reprit-il en jetant un second coup d’œil sur sa figure qui certes n’était pas de nature à faire naître le moindre soupçon, je vous indiquerai une maison sûre où vous pourrez vivre paisiblement à un prix raisonnable, et où je pourrai vous offrir mes conseils et mes soins par intervalles, toutes les fois que mes autres occupations me le permettront.
– Dois-je me hasarder à accepter une pareille offre de la part d’un étranger ? dit Marthe avec une hésitation bien naturelle.
– Mais je ne vois rien qui doive vous en empêcher, mistress, dit l’Écossais ; au surplus vous pouvez toujours voir les lieux, après quoi vous ferez ce que vous jugerez convenable. En outre, nous ne sommes pas entièrement étrangers l’un à l’autre ; je connais votre ami et vous connaissez le mien ; cette connaissance réciproque est un moyen de communication entre nous, comme le milieu d’une corde en unit les deux bouts ou extrémités ; mais je vous expliquerai cela plus au long chemin faisant. – Dépêchez-vous donc d’ordonner à ces deux paresseux de porter votre petit coffre qu’un bon Écossais porterait seul sous le bras. Permettez-moi de vous le dire, mistress, vous verrez bientôt la fin de votre argent à Londres, si vous employez deux fripons pour faire l’ouvrage d’un seul.
En disant ces mots il se mit en route, suivi de mistress Marthe Trapbois, à qui le destin, malgré les richesses qu’il lui avait accordées, ne pouvait procurer pour le moment de conseiller plus sage et de protecteur plus distingué que l’honnête Richie Moniplies, valet congédié.
CHAPITRE XXVII.
« Ici vous trouverez asile et sûreté,
« Et là-bas le péril, la honte et le supplice.
« Je choisis le péril avec sincérité,
« Mais je vous dirai plus ; je brave la justice.
« Si je suis innocent, la honte appartiendra
« Au juge criminel qui me condamnera. »
Le Tribunal.
Nous avons laissé lord Glenvarloch, dont les aventures sont le sujet principal de ce récit, glissant rapidement sur les eaux de la Tamise. Il n’était pas, comme le lecteur a déjà pu le remarquer, d’un caractère très communicatif, ni très disposé à entrer en conversation avec les personnes au milieu desquelles il se trouvait jeté par hasard. C’était un tort dans sa conduite, qui naissait moins de l’orgueil, quoique nous ne prétendions pas le disculper entièrement de ce défaut, que d’une
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