Les Aventures de Nigel
êtes-vous blessé ?
– Non pas que je sache, dit le roi dans son accès de frayeur (sentiment bien excusable dans un roi d’un caractère si craintif, et qui avait été si souvent exposé à de criminelles tentatives) ; – non pas que je sache. – Mais qu’on le fouille, qu’on le fouille : je suis sûr d’avoir vu des armes à feu sous ses habits ; je suis sûr d’avoir senti la poudre. – J’en suis sûr.
Lord Glenvarloch ayant été dépouillé de son manteau, et ses pistolets étant découverts, un cri général d’étonnement et d’exécration contre le coupable supposé s’éleva du milieu de la foule, qui grossissait à chaque instant ; et ce célèbre pistolet, qui, quoiqu’il fût porté par un homme aussi loyal et aussi fidèle que Nigel, répandit tant de terreur parmi les dames et les cavaliers, dans une solennité récente ; – ce célèbre pistolet lui-même ne produisit pas une plus vive consternation que celle qu’excitèrent, et avec aussi peu de fondement, les armes trouvées sur la personne de lord Glenvarloch.
– La mort à ce misérable ! – à ce parricide ! – à cette bête féroce ! fut le cri général. Et le roi, qui était assez porté à estimer sa vie autant qu’elle l’était ou qu’elle paraissait l’être par ceux qui l’environnaient, criait plus fort que tous les autres : – Oui, oui, qu’on l’emmène ; je suis fatigué de lui, tout le royaume l’est aussi. Mais qu’on ne lui fasse aucun mal ; et, pour l’amour de Dieu, messieurs, si vous êtes sûrs de l’avoir entièrement désarmé, cachez vos épées, vos dagues, et toutes vos armes, car vous risquez de vous faire mal.
À l’ordre du roi, toutes les armes rentrèrent dans leurs fourreaux, car ceux qui jusqu’alors les avaient agitées dans un mouvement d’enthousiasme se rappelèrent l’espèce d’horreur qu’inspirait à Jacques une épée nue. Cette faiblesse paraissait chez ce monarque être aussi naturelle que sa timidité, et on l’attribuait généralement à la terreur qu’avait produite sur sa mère infortunée le meurtre de Rizzio, égorgé devant elle avant qu’elle eût mis son fils au jour.
Dans ce moment, le prince, qui avait chassé dans une autre partie de cet immense parc, et qui avait été informé d’abord assez inexactement de ce qui se passait, survint suivi d’un ou deux gentilshommes de sa suite, parmi lesquels se trouvait Dalgarno ; il sauta en bas de son cheval, et demanda avec empressement si son père était blessé.
– Non pas que je sache, mon fils Charles, – mais je suis exténué du combat qu’il m’a fallu soutenir corps à corps avec l’assassin. – Steenie, remplissez-nous un verre de vin ; – la gourde est suspendue au pommeau de notre selle. – Embrassez-moi, mon fils Charles, continua le monarque après qu’il se fut réconforté le cœur. L’État et vous, ô mon fils, vous avez bien manqué de perdre un bon père, car nous sommes pater patriæ, aussi-bien que pater familias. – Quis desiderio sit pudor aut modus tam cari capitis {103} ! – Malheur à moi ! les habits de deuil auraient été chers en Angleterre.
Et à l’idée du deuil général qui aurait suivi sa mort, ce bon roi répandit lui-même quelques larmes.
– Est-il possible ! dit Charles d’un air sévère ; car d’un côté son orgueil était blessé de la faiblesse de son père, et de l’autre il éprouvait tout le ressentiment que devait causer à un fils et à un sujet un attentat contre la vie du roi. Que quelque témoin de ce qui est arrivé prenne donc la parole – lord Buckingham ?
– Je ne veux pas dire, milord, répondit le duc, que j’aie vu aucune violence exercée contre Sa Majesté ; autrement j’en eusse tiré vengeance sur l’heure.
– Votre zèle vous eût égaré, George, répondit le prince ; c’est aux lois qu’il faut laisser le soin de venger de pareilles offenses. Mais ce misérable n’était-il pas aux prises avec Sa Majesté ?
– Je ne puis l’assurer, milord, dit le duc, qui, malgré tous ses vices, aurait dédaigné de s’avilir par un mensonge ; il semblait vouloir retenir Sa Majesté, qui, de son côté, paraissait vouloir monter à cheval ; mais on a trouvé des pistolets sur sa personne, en contravention aux lois établies ; et comme ce malheureux est Nigel Olifaunt, dont les mauvaises dispositions sont connues de Votre Altesse par plusieurs preuves qu’il en a données, nous
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