Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
quelque chose de l’être humain que ne sait pas lui-même
le souffle de l’homme qui est en lui. Toi, Seigneur, tu sais tout de lui, tu
l’as fait. Et moi, je sais certaines choses sur toi que je ne sais pas de moi.
Sous ton regard, je me méprise. Je ne suis pour moi que terre et cendre.
Nous voyons les choses pour l’instant dans un miroir, de façon énigmatique, et pas encore dans un face à face. Et tant que dure mon voyage,
en ton absence, je suis plus présent à moi-même qu’à toi. Je sais qu’on
ne peut exercer sur toi aucune violence. Mais je ne sais pas si je suis
assez fort pour résister à telle ou telle épreuve. Il y a de l’espoir parce
que tu es fidèle. Tu ne permets pas que nous soyons mis à l’épreuve au-delà de nos capacités. Avec l’épreuve, tu fournis le moyen d’en sortir
pour l’endurer.
J’avouerai donc ce que je sais de moi. J’avouerai aussi ce que je ne
sais pas de moi. Ce que je sais de moi, je le sais quand tu m’éclaires, et
ce que je ne sais pas de moi, je n’en sais rien tant que ma nuit n’est pas
midi sur ton visage.
8.
Pas de doute. Mais une conscience certaine.
Seigneur, je t’aime.
Ta parole a transpercé mon cœur.
Je t’ai aimé. Le ciel, la terre, avec tout ce qui est en eux, me disent
partout de t’aimer. Ils n’arrêtent pas de dire à tous de t’aimer pour que
nous soyons inexcusables de ne pas t’aimer. Plus fort encore : tu auras
pitié de ceux que tu prendras en pitié, tu manifesteras ton amour à ceux
que tu aimeras. Sinon le ciel et la terre parleraient de toi à des sourds.
Qu’est-ce que j’aime quand je t’aime ?
Ni la beauté d’un corps ni le charme d’un temps ni l’éclat de la
lumière, amie de mon regard, ni les douces mélodies des cantilènes sur
un mode ou un autre, ni le parfum des fleurs, des essences et des aromates, ni la manne ou le miel, ni les membres enlacés dans les étreintes
physiques –
ce n’est pas ce que j’aime quand j’aime mon Dieu.
Et pourtant j’aime une lumière, une voix, une odeur, un aliment, une
étreinte, quand j’aime mon Dieu.
Lumière, voix, odeur, aliment, étreinte sont dans mon humanité profonde où il y a pour moi un éclair que ne retient pas l’espace, une sonorité qui échappe au temps, une exhalaison sortie d’aucun souffle, une
saveur que n’affaiblit pas la voracité, un accouplement au-delà de la
jouissance.
C’est ce que j’aime quand j’aime mon Dieu.
9.
Mais qu’est-ce que c’est ?
J’ai interrogé la terre.
Elle a dit : ce n’est pas moi. Et tout ce qui est sur terre a fait le même
aveu.
J’ai interrogé la mer et les abysses, les êtres vivants rampants.
Ils ont répondu : nous ne sommes pas ton Dieu. Cherche au-dessus
de nous.
J’ai interrogé les vents qui soufflent.
Et l’air tout entier, avec ses habitants, m’a dit : Anaximène se trompe.
Je ne suis pas Dieu.
J’ai interrogé le ciel, le soleil, la lune et les étoiles.
Nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches, disent-ils.
Alors, j’ai dit à tout ce qui se tient aux portes de mes sens : dites-moi
quelque chose sur mon Dieu, puisque ce n’est pas vous, dites-moi sur
lui quelque chose.
Une puissante exclamation m’a répondu : c’est lui-même qui nous a
faits.
Ce que je voulais prouver était dans mon interrogation. Et leur
réponse était dans leur beauté.
Je me suis alors tourné vers moi et j’ai dit à moi-même : et toi, qui es-tu ?
J’ai répondu : un homme. Avec en moi, à ma disposition, un corps et
une âme. L’un à l’extérieur, l’une à l’intérieur. Auprès duquel aurais-je
dû chercher mon Dieu ? Je l’avais déjà cherché physiquement sur la
terre jusqu’au ciel, aussi loin que j’avais pu envoyer les rayons messagers de mes yeux. L’intériorité est meilleure. C’est à elle que s’adressent
tous les messagers du corps, pour surveiller et juger les réponses du ciel
et de la terre, et de tout ce qu’ils contiennent.
Nous ne sommes pas Dieu, disent-ils. C’est lui-même qui nous a faits.
L’intériorité humaine les connaît par la connaissance externe que
l’homme en a. Moi, je les connais. Moi, moi, esprit, par les sens de mon
corps.
J’ai interrogé la masse de l’univers sur mon Dieu.
Sa réponse : ce n’est pas moi, mais lui m’a faite.
10.
Cette beauté apparaît bien à tous les êtres doués de perception.
Pourquoi ne parle-t-elle pas pareillement à tous ? Les animaux, petits
et grands, la
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