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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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nous, répond-il aussitôt. On l’interroge encore et il avoue
tout.
    L’accusation se retourne sur cette maison. La foule qui pensait déjà
l’emporter sur Alypius est confuse. Le futur dispensateur de ta parole,
qui aurait à juger de nombreux cas dans ton assemblée, en est sorti plus
expérimenté et mieux armé.
    16.
    Je l’avais donc retrouvé à Rome. Nous étions très liés. Il partit avec
moi à Milan pour ne pas m’abandonner et faire quelque chose de ses
études de droit (en réalité uniquement pour plaire à ses parents). Déjà
assesseur à trois reprises, sa probité étonna tout le monde. Mais lui-même a été plus étonné encore de constater que pour eux l’or passait
avant l’innocence. Il a dû faire appel à toutes ses qualités pour résister
à l’appât du gain et aux intimidations. À Rome, il est devenu assesseur
du comité des finances d’Italie. En ce temps-là, un sénateur très puissant s’était attaché certains par ses largesses et en avait soumis beaucoup d’autres par la terreur. Usant de son pouvoir, il a cherché à obtenir je ne sais quoi d’illégal. Alypius s’y est opposé. On lui a promis une
récompense, offre qu’il a ridiculisée avec cran. On a essayé les menaces
de mort qu’il a méprisées. Son rare courage en a étonné plus d’un. Cet
homme si important avait acquis son immense célébrité en distribuant
d’innombrables faveurs et coups bas. Alypius ne souhaitait pas son amitié ni ne craignait son hostilité. Le juge lui-même, dont il était le
conseiller, aurait bien voulu empêcher la chose, mais il ne s’y est pasopposé ouvertement. Il rejetait la responsabilité sur Alypius et soutenait
que c’est lui qui ne le lui permettait pas. C’était vrai. S’il avait cédé, Alypius aurait démissionné.
    Une chose aurait pu le séduire, sa passion pour la littérature. Avec
l’argent du prétoire, il aurait pu se faire réaliser des codex. Mais pesant
le pour et le contre, il a fait un meilleur choix. Il a trouvé plus utile de
s’en remettre à l’interdit plutôt que de profiter de son pouvoir. C’est
peut-être un détail, mais qui est honnête dans les détails est aussi honnête dans les grandes choses. Rien de ce qui sort de la bouche de ta
vérité n’est absurde :
    si tu n’as pas été honnête avec l’argent sale, qui te donnera le vrai
argent ? Et si tu n’as pas été honnête avec autrui, qui te donnera ce qui
est à toi ?  3
    Nous étions très liés et nous partagions nos doutes sur la vie qu’il
nous fallait mener.
    17.
    Nébridius aussi avait quitté le sol natal, voisin de Carthage, et même
Carthage où il se rendait souvent, et quitté le magnifique pays de ses
ancêtres, quitté son foyer et une mère qui, elle, ne l’avait pas suivi. Il est
venu à Milan dans le seul but de vivre avec moi la passion brûlante de la
vérité et de la sagesse. Comme moi, il soupirait. Comme moi, il s’interrogeait. Inlassable chercheur de la vie heureuse et scrutateur acharné des
plus difficiles questions. Nous étions trois bouches affamées, le souffle
coupé par un manque mutuel et partagé, et qui attendaient de toi que tu
leur donnes enfin à manger. Ton amour laissait à nos activités mondaines
un goût amer. Nous nous demandions pourquoi endurer cela et nous ne
trouvions que ténèbres que nous repoussions en gémissant. Et pour
combien de temps encore ? Nous nous le sommes demandé souvent. Et
à chaque fois sans pouvoir renoncer à rien puisque que rien de certain
ne brillait que nous aurions pu saisir derrière ce renoncement.
    18.
    Moi, j’étais effaré quand je m’efforçais de me rappeler tout le temps
passé depuis mes dix-neuf ans. À l’époque, j’étais tombé amoureux de
la philosophie. Pour moi, l’étudier c’était abandonner les espoirs vains,
les désirs inutiles, les délires mensongers. Mais aujourd’hui, à trente
ans, j’étais toujours empêtré dans le même bourbier. Je jouissais avec
avidité du présent dont la fuite me dispersait. Je me disais, demain j’y
arriverais, l’évidence m’apparaîtrait et serait à moi. Et Faustus viendrait.
Il expliquerait tout. Ô grands hommes de l’Académie ! On ne peut être
sûr de rien dans la vie… Mais non, cherchons avec plus d’attention, et
sans désespérer. Ce qui paraissait absurde n’est plus absurde dans les
livres sacrés. Et peut alors se comprendre autrement, logiquement. Je
planterais mes pas dans ceux que m’ont fait

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