Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
suivre mes parents dans
l’enfance, jusqu’à la découverte de la vérité diaphane. Mais où chercher ?
Quand chercher ? Ambroise, impossible. Lire, impossible. Où chercher
les livres ? Où et quand les trouver ? À qui les prendre ?
Il faut tailler dans le temps et consacrer des heures à la santé de
l’âme.
Un grand espoir s’est levé : l’enseignement de la foi catholique n’est
pas ce que nous pensions. Nos accusations étaient nulles. Croire que
Dieu se limite à la figure du corps humain est un crime. Mais pourquoi
hésiter à demander qu’on nous explique tout le reste ? Avant midi,
notre emploi du temps est occupé par nos étudiants. Mais le reste du
temps, que faisons-nous ? Pourquoi ne pas nous consacrer à notre
recherche ? Mais alors quand saluer les amis importants dont le soutien
nous est nécessaire ? Quand préparer ce pour quoi les étudiants ont
payé ? Et quand reprendre des forces, reposer notre esprit de la tension
du travail ?
19.
À la trappe tout ça, débarrassons-nous de ces folies creuses. Seule
compte pour nous la quête de la vérité. La vie est misère. La mort n’est
pas fixée – elle survient à l’improviste. Et sous quel jour quitter les
lieux ? Où apprendre ce que nous avons négligé ici-bas ? Ou plutôt
quels supplices seront le prix de ces négligences ? Et si la mort était bien
la fin, et coupait court avec la vie physique à tous les soucis ? Eh bien,
il faudrait s’en inquiéter. Non, impossible. Ce n’est pas ça. La confiancechrétienne ne se communiquerait pas à tout le globe, depuis une telle
hauteur, pour finalement s’imposer en vain et pour rien. On n’aurait pas
réalisé pour nous tant de choses extraordinaires si la mort physique
était aussi la destruction de l’esprit. Alors qu’est-ce qui nous retient de
renoncer à l’espoir de ce monde pour nous consacrer entièrement à la
recherche de Dieu et de la vie heureuse ?
Attends. Le plaisir est ici. La douceur n’est pas rien. On ne peut pas
s’en passer si facilement. Et quelle humiliation s’il fallait y retourner
après. La satisfaction de quelque honneur suffit bien déjà. Que désirer
de plus ? On peut compter sur de nombreux amis importants. Et s’il le
faut, dans l’urgence, on peut nous avoir un poste de gouverneur… On
pourrait aussi prendre une femme riche pour alléger nos dépenses. La
cupidité sera servie. De grands hommes, de dignes modèles, ont su
concilier leur passion de la philosophie avec une vie de couple.
20.
Tout en me disant cela, des vents contraires chahutaient mon cœur,
et le temps passait. Je retardais mon retour au Seigneur. Je différais de
jour en jour ma vie en toi, comme je refusais chaque jour de différer la
mort en moi. J’aimais la vie heureuse mais j’avais peur d’y séjourner. Et
c’est en la fuyant que je la cherchais. J’imaginais que je serais trop malheureux privé des caresses d’une femme. Je ne pensais pas que ton
amour me guérirait de ce manque. Je n’en avais pas fait l’expérience. Je
croyais que l’abstinence était une question d’efforts personnels, mais
dont je n’étais pas conscient. Stupide au point d’ignorer que personne,
comme il est écrit, n’est capable d’abstinence sans que ce soit un don
de toi. Tu m’aurais fait ce don si d’un intime gémissement j’avais frappé
à tes oreilles, et jeté mes soucis en te faisant solidement confiance.
21.
Alypius m’interdisait d’avoir une femme. Il me chantait que si je passais à l’acte nous n’aurions plus ensemble cette vie désœuvrée et insouciante consacrée à l’amour de la philosophie – notre désir depuis si
longtemps. Lui-même était alors parfaitement chaste. C’était étonnant
car il avait eu une première expérience sexuelle, au début de l’adolescence. Mais il n’y avait pas pris goût et en avait conçu plus de tourment
encore et de mépris. Depuis, il vivait dans la plus grande abstinence.Moi je lui opposais les exemples de ceux qui tout en vivant en couple
cultivaient la philosophie, la faveur de Dieu, sans perdre l’amour d’amis
fidèles. Mais dans mon cas, j’étais loin de ces grandes âmes. Attaché à
une mortelle douceur par la maladie de la chair, je traînais mes chaînes
dans la peur d’en être délivré. Et comme si on m’avait donné un coup
sur une plaie, je repoussais les bons conseils – la main libératrice. Plus
encore. À travers moi, le serpent s’adressait à Alypius. Ma
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