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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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Elle
la réprouve aussitôt et s’en débarrasse.
    Il arrive que les amis, en nous flattant, nous pervertissent. Mais les
ennemis, en s’opposant, nous corrigent très souvent. Et tu ne tiens pas
compte de leurs actes mais de ce qu’ils ont voulu faire. Oui, dans sa
colère, cette servante visait à exaspérer sa jeune maîtresse, et non pas à
la guérir. Elle a fait ça en cachette, profitant du lieu et du moment, mais
aussi peut-être parce qu’elle a eu peur d’être accusée d’avoir trop
attendu pour la dénoncer.
    Mais toi, Seigneur, recteur du ciel et de la terre, qui détournes à ton
profit les profondeurs du torrent, qui ordonnes le flot turbulent des
siècles, tu as même guéri une âme avec la maladie d’une autre. Voyant
cela, personne ne peut s’attribuer d’avoir corrigé quelqu’un qui voulait
être corrigé.
    19.
    Elle fut donc élevée dans la pudeur et la sobriété. Tu l’avais soumise
à ses parents bien plus que ses parents ne l’avaient soumise à toi. On la
maria dès qu’elle devint vraiment nubile. Donnée à un homme qu’elle
a servi comme son maître. Elle s’est efforcée de le convertir à toi. Par
ses habitudes de vie qui lui parlaient de toi. Tu t’en servais pour la
rendre belle et digne d’amour et d’admiration à ses yeux. Au lit, elle a
même supporté ses infidélités sans jamais les lui reprocher. Elle attendait de ton amour pour lui qu’il le fasse croire et le rende chaste. Lui
était à la fois capable d’une grande bonté et d’une colère irrépressible.
Mais elle avait appris à ne pas résister à sa colère – ne rien faire, ne rien
dire. Une fois la crise passée, le calme revenu, elle guettait le moment
opportun pour s’expliquer, si par hasard il s’était emporté de façon trop
inconsidérée. Et beaucoup de femmes, qui étaient mariées à des
hommes plus doux, portaient pourtant des traces de coups qui les défiguraient. Entre elles, dans l’intimité, elles accusaient leurs maris. Ma
mère accusait leur langue. À la fois amusée et grave, elle leur rappelait
que ces fameuses tablettes qu’on appelle les tables du mariage, et qu’on
leur avait lues, faisaient d’elles des servantes. Elles avaient à se souvenir
de leur condition : elles ne pouvaient s’opposer crânement à leurs
maîtres. Quel étonnement pour ces femmes qui connaissaient le mari
féroce qu’elle-même devait supporter. Sans qu’on ait jamais entendu
dire ni pu apporter de preuves que Patricius battait sa femme, ni qu’une
brouille domestique ou une dissension ait pu les séparer, ne serait-ce
qu’un seul jour. Elles lui en demandaient la raison, sans se gêner.
Monica leur apprenait alors comment elle s’y prenait – et que je viens
de rappeler plus haut. Suivant qu’elles s’y conformaient ou non, elles
l’en remerciaient après expérience, et sinon restaient asservies et maltraitées.
    20.
    Même sa belle-mère. Les ragots de servantes malveillantes l’avaient
d’abord montée contre elle. Mais elle céda devant sa déférence, sa persévérance et sa douce patience. Elle dénonça spontanément à son fils les
propos équivoques des servantes qui troublaient la paix du ménageentre elle et sa bru. Et demanda que justice soit faite. Obtempérant, par
souci de l’ordre familial, et veillant à l’unité entre les siens, son fils infligea à celles qui avaient trahi la punition que leur accusatrice jugeait
adaptée. Ce serait dorénavant la récompense, promit-elle, qu’elles
devaient espérer, si croyant lui plaire, elles disaient du mal de sa bru.
Aucune ne s’y risquerait plus. Et les deux femmes ont depuis vécu dans
une douce bienveillance mémorable.
    21.
    Tu as donné un autre grand talent à ta fidèle esclave, dans l’utérus de
laquelle tu m’as créé, mon Dieu, mon amour. Elle avait le don de pacifier, dès qu’elle pouvait, quiconque se divisait et s’opposait. Elle avait
beau entendre de part et d’autre des gens se plaindre amèrement, et
pleins de colère, vomir comme d’habitude leur brouille indigeste,
lorsqu’en présence d’une amie, et en l’absence de l’ennemie, l’acidité
des conversations laisse transpirer une haine crue. Elle ne répétait
rien à l’une et à l’autre que ce qui pouvait servir à les réconcilier. Cela
m’aurait paru insignifiant si je n’avais fait la triste expérience d’une
foule de gens qui, par je ne sais quelle horrible contagion du mal très
largement répandu, rapportent à la

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