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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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en
donnant à leur costume et à leur comportement l’aspect négligé et provocant qui
signifie qu’ils n’ont peur de rien. Dans l’ancienne Chine, le fier-à-bras du
village (souvent appelé la « brute du village ») avait la natte faite
à la diable, et en enroulait l’extrémité autour de sa tête et de son cou ;
il portait délibérément des chaussures éculées et laissait ses jambières
ouvertes pour en faire voir la doublure luxueuse. On raconte qu’il provoquait
souvent le magistrat « par pure bravade [48]  ».
Le costume du
vaquero
, c’est-à-dire
du vacher mexicain, qui est devenu dans les westerns le costume classique du
cow-boy, et les styles plus ou moins équivalents des
gauchos
et des
llaneros
[49] dans les plaines
d’Amérique du Sud, des
bétyars
[50] dans la putza
hongroise, des
majos
et des
flamencos
en Espagne, sont, dans le
monde occidental, des symboles analogues d’insoumission. Ce symbolisme a
peut-être connu sa forme la plus recherchée avec le costume festonné d’or et d’acier
du
haïdouc
ou du
clephte
des Balkans. Comme dans toutes
les sociétés traditionnelles et à évolution lente, même le groupe assez flou
constitué par les pauvres non conformistes finit par se donner un système de
signes distinctifs. Le costume de la forte tête en milieu rural est un message
immédiatement déchiffrable : « Cet homme n’est pas un agneau. »
    Ceux « qui se font respecter » ne deviennent pas
automatiquement des bandits, tout au moins des bandits sociaux. Il arrive qu’à
la force du poignet ils échappent à la condition paysanne pour être embauchés
comme gardes par un village, suivre un seigneur, entrer dans l’armée (soit des
formes diverses de banditisme officiel). Il arrive aussi qu’ils se débrouillent
tout seuls et constituent, comme les
mafiosi
de Sicile, une bourgeoisie rurale fondée sur la violence. Ils peuvent enfin
devenir le genre de hors-la-loi qui inspirent aux hommes des ballades, c’est-à-dire
des champions, des héros et des vengeurs. Leur révolte est individuelle, socialement
et politiquement menacée, et, dans des conditions normales – soit non
révolutionnaires – ne représente pas l’avant-garde d’une révolte des masses, mais
plutôt le produit et la contrepartie de la passivité générale des pauvres. Ils
sont l’exception qui confirme la règle.
    Les catégories que nous venons de voir sont celles où se
recrute la majorité des bandits. Il nous faut néanmoins examiner rapidement
deux autres réservoirs de violence et de brigandage rural que l’on confond
souvent, parfois à juste titre, mais dans la plupart des cas à tort, avec le
banditisme paysan, c’est-à-dire les « barons voleurs » et les
criminels.
    Que les gentilshommes campagnards sans fortune soient une
source de violence intarissable est aisément compréhensible. Ils jouissent du
privilège des armes et combattre est à la fois leur vocation et la base de leur
système de valeurs. Cette violence est souvent institutionnalisée sous la forme
de chasse à courre, ainsi que de duels et de vengeances destinés à défendre l’« honneur »
de l’individu et celui de la famille ; il arrive aussi que des
gouvernements avisés la canalisent en lui offrant des dérivatifs politiquement
utiles ou à tout le moins inoffensifs comme le service militaire ou l’aventure
coloniale. Les mousquetaires de Dumas, originaires de cette célèbre pépinière
de gentilshommes impécunieux qu’était la Gascogne, n’étaient à peu de chose
près, en dépit de leur pedigree, que des hommes de main officiellement reconnus,
analogues aux brutes que les grands propriétaires d’Italie ou d’Ibérie
recrutaient comme gardes parmi les paysans ou les bergers. C’était également le
cas de nombreux conquistadors espagnols. Il y a cependant des situations dans
lesquelles ces nobles impécunieux deviennent de véritables brigands et
hors-la-loi (voir chapitre 7). On peut supposer qu’ils ont de fortes chances d’accéder
au royaume du mythe et de la ballade populaire dans deux cas : a) quand
ils font partie d’un mouvement général de résistance, résistance opposée par
une société archaïque à des conquérants étrangers ; ou b) quand les
traditions de rébellion paysanne contre l’injustice seigneuriale sont très
faibles. En revanche, plus l’élément de lutte de classes est prononcé, et moins
ils ont de chances d’y accéder, sauf bien sûr dans des

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