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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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Juro Janosik (1688-1713) était en réalité, comme la plupart des bandits sociaux,
un brigand provincial opérant dans un coin perdu des Carpathes, et dont l’existence
devait à peine attirer l’attention des autorités de la capitale. Mais il
subsiste encore de nos jours des centaines de chansons qui célèbrent ses
exploits. Par ailleurs, l’opinion populaire a tellement besoin de héros et de
champions que, s’il ne s’en présente pas d’authentiques, elle en fabrique, même
si les candidats n’ont pas les qualités requises. Dans la réalité, la plupart
des Robin des Bois légendaires n’étaient pas, il s’en faut de beaucoup, des
brigands au grand cœur.
    Autant donc commencer par l’« image » du brigand
au grand cœur. Elle définit à la fois son rôle social et ses rapports avec les
paysans. Son rôle, c’est celui du champion, du redresseur de torts, du
justicier social. Quant à ses rapports avec les paysans, ce sont des rapports
de solidarité et d’identité complètes. L’« image » qui reflète les
deux peut se résumer en neuf points :
    1. Le brigand au grand cœur n’est pas au départ un
criminel. Il débute sa carrière de hors-la-loi parce qu’il est victime d’une
injustice ou parce qu’il est persécuté par les autorités pour un acte qu’elles
estiment criminel, mais que traditionnellement son entourage ne considère pas
comme tel.
    2. Il « redresse les torts ».
    3. Il « prend aux riches pour donner aux pauvres ».
    4. Il « ne tue qu’en cas de légitime défense ou
pour exercer une juste vengeance ».
    5. S’il survit, il revient chez lui et devient un
honorable citoyen et un membre respecté de la communauté. À vrai dire, il ne la
quitte jamais.
    6. Cette communauté l’admire, l’aide et le soutient.
    7. Il meurt invariablement et uniquement parce qu’il
est trahi. En effet, dans sa communauté, aucun membre qui se respecte ne se
tournerait contre lui pour aider les autorités.
    8. Il est – au moins théoriquement – invisible et
invulnérable.
    9. Ce n’est pas l’ennemi du roi ou de l’empereur, source
de justice, mais seulement des oppresseurs locaux, noblesse, clergé ou autres.
    Quand l’opinion populaire n’a pas pris ses désirs pour des
réalités, cette image est en gros confirmée par les faits. La majorité des
bandits sociaux dont l’histoire nous est connue commencent leur carrière par
une querelle de caractère non criminel, par une affaire d’honneur, ou parce qu’ils
sont victimes de ce qu’eux-mêmes et leurs voisins ressentent comme une
injustice (et qui n’est parfois rien d’autre que la conséquence automatique d’un
différend entre, d’un côté, un pauvre et, de l’autre, un riche et un puissant).
Angelo Duca (« Angiolillo ») (1760-1784), bandit napolitain du XVIII e siècle, devint hors-la-loi à la suite d’une querelle
avec un garde du duc de Martina à propos de bétail égaré ; Pancho Villa, au
Mexique, parce qu’il s’était attaqué à un propriétaire terrien pour venger l’honneur
de sa sœur ; Labarêda, comme pratiquement tous les
cangaçeiros
brésiliens, pour une
affaire d’honneur familial ; et le jeune Giuliano, jusqu’alors
contrebandier – activité considérée comme aussi honorable qu’une autre dans les
montagnes – parce qu’il avait résisté à un douanier qu’il était trop pauvre
pour acheter. On pourrait multiplier les exemples. De fait il est essentiel
pour un Robin des Bois de commencer ainsi sa carrière, car s’il était un
véritable
criminel selon les critères
de sa communauté, comment celle-ci pourrait-elle lui accorder un soutien sans
réserve ?
    Pareil début de carrière reflète le besoin profond de
redresser au moins un tort : celui qui est fait au bandit. Il est assez
normal que, dans la réalité, les bandits fassent souvent preuve de ce « farouche
esprit de justice » que des observateurs ont remarqué chez José Maria « El
Tempranillo » (modèle du don José de
Carmen
,
1805-1833), qui opérait dans les collines d’Andalousie. Dans la légende, le
redresseur de torts procède fréquemment à de véritables transferts de richesse.
On dit ainsi que Jesse James (1847-1882), après avoir prêté 800 dollars à une
pauvre veuve pour lui permettre de régler sa dette à un banquier, attaqua la
banque et reprit l’argent ; vu tout ce que nous savons des frères James, l’histoire
est peu probable [58] .
Dans les cas

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