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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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routine
habituelle et échappent au contrôle immédiat de la société, que ce contrôle
soit exercé par les dirigeants ou par l’opinion publique. Il y a, répétons-le, les
bergers, soit seuls, soit en groupe – groupe spécial et parfois secret – qui se
rendent l’été dans les hauts pâturages ou qui font du semi-nomadisme dans les
grandes plaines. Il y a aussi les hommes armés, ceux qui gardent les champs, et
dont la fonction n’est pas de travailler, ainsi que les conducteurs de
troupeaux, rouliers, contrebandiers, bardes et autres. Ils ne sont pas
surveillés, ce sont eux les observateurs. Leur monde, c’est la plupart du temps
la montagne, où les seigneurs et les paysans ne pénètrent pas, et où les hommes
ne parlent pas beaucoup de ce qu’ils voient et de ce qu’ils font. C’est là que
les bandits rencontrent les bergers, et que les bergers envisagent de devenir
bandits.
    Pour expliquer comment on peut devenir bandit, nous n’avons
jusqu’à présent considéré que des éléments d’ordre collectif, c’est-à-dire des
catégories sociales dont les membres sont plus susceptibles de le devenir que
ceux d’autres catégories. Ces éléments sont, de toute évidence, très importants.
Ils nous permettent, par exemple, d’émettre certaines généralisations, certes
rapides et approximatives, mais qui ne sont pas fondamentalement erronées. On
pourrait ainsi dire : « Dans une région montagneuse, il y a de fortes
chances pour que le groupe de bandits caractéristique se compose de jeunes
bergers, de paysans sans terre, et d’anciens soldats, et il y a peu de chances
qu’il contienne des hommes mariés et pères de famille ou des artisans. »
Si des formules de ce genre n’épuisent pas le sujet, elles sont néanmoins
valables dans un nombre de cas surprenant. Prenons par exemple les chefs de
bande dans l’Italie du Sud dans les années 1860 : ceux dont la nature des
occupations nous est connue comprennent vingt-huit « bergers »,
« vachers », « anciens conscrits », « paysans sans
terre », et « gardiens » (ces occupations étaient parfois mêlées) ;
les autres ne sont qu’au nombre de cinq [47] .
Il convient cependant de noter que les meneurs de bande, en tant qu’ils
occupent une place distincte dans la hiérarchie, ont plus de chances de faire
partie de ces derniers, qui n’appartiennent à aucune de ces catégories, c’est-à-dire
des strates de la société rurale qui se situent au-dessus des prolétaires et
des sans-biens. Il y a néanmoins une autre catégorie de bandits en puissance, à
certains égards la plus importante, et qui se compose d’hommes qui se tournent
vers le banditisme de manière, pourrait-on dire, individuelle et délibérée, même
si les autres facteurs d’explication ne sont pas absents de leur décision. Ce
sont des hommes qui se refusent à jouer le rôle soumis et passif que la société
impose au paysan : les orgueilleux, les récalcitrants, les rebelles
individuels. Ce sont, pour reprendre la vieille formule utilisée par les
paysans pour les décrire, les « hommes qui se font respecter ».
    S’il n’y en a, d’habitude, pas beaucoup dans la société
paysanne, il y en a toujours quelques-uns. Ces hommes sont ceux qui, en face de
l’injustice ou d’une forme de persécution, refusent de se soumettre docilement
à la force ou de reconnaître la supériorité sociale, et prennent le chemin de
la résistance pour devenir des hors-la-loi. Il faut en effet se souvenir que, si
la carrière caractéristique du brigand « au grand cœur » débute
généralement par un acte de résistance à l’oppression, il y a, pour tout
résistant, des dizaines de gens qui acceptent l’injustice. Un Pancho Villa, qui
défend l’honneur d’une sœur violée, représente l’exception dans les sociétés où
les seigneurs et leurs hommes de main agissent à leur guise avec les paysannes.
Les hommes comme lui sont ceux qui affirment leur droit à être respectés de
tous, y compris des autres paysans, en faisant front et en combattant. Ce faisant,
ils usurpent automatiquement le rôle social de leurs « supérieurs »
qui, par exemple dans le système médiéval classique, ont le monopole des armes.
Ce sont dans certains cas les fiers-à-bras du village, qui proclament leur
vaillance en adoptant une démarche conquérante, en portant des armes, par
exemple un bâton, même quand les paysans ne sont pas censés en porter, et

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