Les Bandits
guérilleros
paysans, par la discipline et la morale de la cause. La principale raison pour
laquelle les bandits répugnent à prendre des femmes avec eux ou à faire
violence à leurs prisonnières, c’est peut-être que rien ne sape autant la
solidarité que la rivalité sexuelle.
Les femmes jouent également un autre rôle, moins connu, à l’intérieur
du banditisme, en aidant les bandits et en leur fournissant des liens avec le
monde extérieur. On peut supposer qu’elles aident surtout leurs parents, leurs
maris ou leurs amants. Inutile d’en dire long sur cette fonction.
Elles en ont une troisième, car il arrive qu’elles soient
elles-mêmes des bandits. Il y a peu de femmes qui participent activement aux
combats, mais les ballades
haïdoucs
des Balkans (voir chapitre 6) [137] présentent un nombre de cas suffisant pour nous faire penser que, tout au moins
dans certaines parties du monde, elles constituaient un phénomène reconnu. Dans
le département péruvien de Piura, par exemple, il y en eut plusieurs entre 1917
et 1937, dont certaines étaient chefs de bande. Les plus célèbres sont Rosa
Palma de Chulucanas, qui, dit-on, gagna même le respect du redoutable Froilan
Alama, le plus célèbre chef de bande de l’époque, l’homosexuelle Risa Ruirías, originaire
de Morropon, communauté connue pour son esprit combatif, et Barbara Ramos, de l’
hacienda
Huapalas, dont deux frères
étaient bandits et dont l’ami l’était également [138] . Ces femmes
étaient réputées pour leurs qualités de cavalières, pour leur adresse au tir et
pour leur bravoure. À part leur sexe, il semble que rien ne permette de les
distinguer des autres bandits. L’histoire du brigandage argentin peut s’enorgueillir
de compter une formidable
montonera
et voleuse de grand chemin, Martina Chapanay (1799-vers 1860), d’origine
indienne, qui s’était battue aux côtés de son mari et continua après la mort de
ce dernier [139] .
Bien que le grand roman du banditisme chinois,
Au bord de l’eau
, compte des héroïnes
femmes, en Chine comme ailleurs rares étaient celles qui venaient grossir les
rangs des hors-la-loi. Étant donné la pratique du bandage des pieds, qui
empêchait les femmes de marcher librement, cela n’est guère surprenant. (En
revanche, elles étaient plus nombreuses dans les régions de banditisme à cheval,
et là où le bandage n’était pas pratiqué, comme au sein de la minorité Hakka). Le
nombre important de femmes que l’on a identifiées comme chefs de bande à partir
des Taiping est plus surprenant. (L’extraordinaire Su Sanniang, qui était
renommée pour « tuer les riches et aider les pauvres » devint l’héroïne
de nombreux poèmes.) Dans la plupart des cas, il semble qu’elles soient passées
au banditisme pour venger la mort de leurs maris ou, plus rarement, d’autres
parents, ce qui peut expliquer pourquoi leurs noms sont rarement répertoriés.
On peut peut-être trouver en Andalousie une explication du
phénomène du banditisme féminin. Non seulement l’existence de ce genre de
femmes-bandits y est attestée (par exemple, au XIX e siècle, Torralba de Lucena, qui s’habillait en homme, et Maria Márquez Zafra,
« La Marimacho »), mais elles occupent une place très particulière
dans la légende sous le nom de
serranas
(les montagnardes) [140] .
La « serrana » typique devient hors-la-loi et se venge en particulier
des hommes parce qu’elle a été « déshonorée », c’est-à-dire déflorée.
Cette manière activiste de réagir au déshonneur est sans doute encore plus rare
proportionnellement chez les femmes que chez les hommes, mais les plus
militants des mouvements de libération de la femme auront peut-être plaisir à
noter que cette manière est reconnue même par les sociétés traditionnelles. Néanmoins,
comme tant d’autres, cet aspect du banditisme n’a pas encore été suffisamment
approfondi.
Dans les sociétés qui produisent des bandits, la plupart des
femmes « déshonorées », dans la mesure où elles sont vengées, sont
susceptibles de trouver des défenseurs chez les hommes. La défense de l’« honneur »,
c’est-à-dire en grande partie l’« honneur » sexuel des femmes, est
sans doute la plus importante des raisons qui poussaient les hommes à devenir
des hors-la-loi dans les régions classiques du banditisme, c’est-à-dire les
pays méditerranéens et les pays latins d’outre-mer. Le bandit y assumait à
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