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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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la
fois la fonction de la statue du Commandeur et celle de Don Juan ; sur ce
point, comme sur tant d’autres, il partageait les valeurs de son univers social.

ANNEXE B.
LA TRADITION DU BANDIT
I
    Comme le sait quiconque va au cinéma ou regarde la
télévision, les bandits, quels qu’ils soient, n’existent généralement qu’enveloppés
dans un nuage de mythologie et de fiction. Comment peut-on découvrir la vérité
à leur égard ? Comment peut-on faire la part du mythe ?
    La plupart des bandits qui font l’objet de telles
mythologies ont disparu depuis longtemps : Robin des Bois (si tant est qu’il
ait existé) vécut au XIII e siècle, bien qu’en
Europe la plupart des figures héroïques prennent appui sur des individus qui
vécurent entre le XVI e et le XVIII e siècle, probablement parce que l’invention de l’imprimerie
donna cours au principal médium assurant la survie des anciens récits de
bandits : la gazette ou le roman populaire. Transmis d’un groupe de
narrateurs à un autre, d’un endroit et d’un public à un autre, et ce de
génération en génération, ce véhicule ne nous livre guère d’informations ayant
une valeur documentaire sur les bandits eux-mêmes, si ce n’est le fait que, pour
une raison ou pour une autre, ils occupent une place dans les mémoires. À moins
qu’ils n’aient laissé des traces dans les registres judiciaires ou ceux des
autorités qui les ont pourchassés, nous ne disposons pas de véritables traces
documentaires les concernant. Ce n’est qu’à partir du XIX e siècle que des voyageurs étrangers ayant capturé des bandits nous ont laissé
des rapports de ce genre, en particulier dans l’Europe du Sud-Est ; et ce
n’est pas avant le XX e siècle que des journalistes
se sont montrés soucieux d’interroger des jeunes hommes arborant des
cartouchières et se montrant plus que désireux de leur parler. Mais on se
saurait non plus prendre pour argent comptant ces témoignages, ne serait-ce que
parce que les témoins étrangers ne savaient en général que peu de choses sur la
situation locale, même s’ils étaient à même de comprendre – pour ne pas dire de
parler – des patois parfois incompréhensibles, et savaient résister aux avances
de rédacteurs désireux de faire sensation. Au moment où j’écris ces lignes, l’enlèvement
d’étrangers – en vue d’obtenir une rançon ou d’arracher des concessions au
gouvernement – est une activité en vogue dans la république arabe du Yémen. Pour
autant que je puisse en juger, les otages libérés ont livré bien peu d’informations
pertinentes.
    Il va de soi que la tradition structure elle aussi la
connaissance que nous avons des bandits, y compris celle des bandits sociaux du
XX e siècle – ils furent nombreux – au sujet
desquels nous disposons d’informations exactes et de première main. Tant les
bandits que ceux qui relatent leurs aventures sont familiarisés depuis leur
enfance avec le rôle que joue le « bon bandit » dans le drame que
vivent les paysans pauvres, et les premiers ne manquent pas de le revendiquer, tandis
que les seconds le leur attribuent avec facilité. L’ouvrage de M. L. Guzman,
The Memoirs of Pancho Villa
[141] , n’est pas
seulement fondé en partie sur les propos de Villa : il est l’œuvre d’un
homme qui était à la fois une grande figure littéraire du Mexique, mais aussi (selon
le biographe de Villa) « un savant extrêmement sérieux [142]  ». Et
pourtant, au fil des pages, le début de la carrière de Villa est beaucoup plus
conforme au stéréotype inauguré par Robin des Bois qu’elle ne le fut vraisemblablement
en réalité. C’est encore plus vrai dans le cas du bandit sicilien Giuliano, qui
vécut et mourut sous les flashs des photographes, et ne cessa d’accorder des
interviews dans des endroits exotiques, comme une vedette. Mais il savait aussi
ce que l’on attendait de lui (« Comment Giuliano, qui aime les pauvres et
haït les riches, pourrait-il jamais se retourner contre les masses de
travailleurs ? », demanda-t-il juste après avoir massacré plusieurs d’entre
eux), tout comme les journalistes et les romanciers. Même les communistes, ses
ennemis, virent venir sa fin et observèrent à regret qu’elle était « indigne
d’un véritable fils du peuple travailleur de Sicile, […] aimé par le peuple et
entouré de sympathie, d’admiration, de respect et de peur [143]  ». Comme me
le confia un vieux

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