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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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la
criminalité, notamment en raison du flou qui entoure la démarcation entre
criminalité et politique, et à cause de la violence qui caractérise la vie
politique » en Angleterre aux XIV e et XV e siècles. « La criminalité, les rivalités locales, le
contrôle exercé par les autorités locales, et l’intrusion de l’autorité royale
étaient autant d’éléments qui s’entremêlaient. Cela n’en facilita que plus l’idée
que le criminel avait quelque droit de son côté. Il gagna ainsi l’approbation
de la société. » Comme dans le système de valeurs du western hollywoodien,
la justice sauvage et la réparation violente des torts (connu sous le nom de « loi
de Folville », d’après une famille de chevaliers devenus notoires parce qu’ils
redressaient de cette manière les torts dont ils étaient victimes) était
considérées comme de bonnes choses. Le poète William Langland (dont le
Piers Plowman
, rédigé vers 1377, contient
par ailleurs la première référence aux ballades de Robin des Bois) pensait que
la Grâce faisait don à certains hommes des qualités nécessaires pour combattre
l’Antéchrist, et elle amenait notamment :
    « Certains à chevaucher pour reprendre ce qui leur a
été pris à tort.
    Elle leur montra comment en reprendre possession par la
force de leurs mains
    Et l’arracher aux hommes de peu par la loi de Folville. »
    Par conséquent, même en dehors de la communauté à laquelle
appartenait le hors-la-loi, l’opinion publique était disposée à considérer les
aspects socialement recommandables des activités d’un bandit populaire, à moins,
bien entendu, que sa réputation de criminel antisocial ne soit si terrible qu’elle
ne fasse de lui l’ennemi des honnêtes gens. (Auquel cas la tradition
fournissait une alternative. Mais celle-ci ne satisfaisait pas complètement l’appétit
du public pour les drames hauts en couleur qui prenaient la forme, bonne pour
les romans populaires, des confessions sans retenue de malfaiteurs notoires – confessions
au cours desquelles ceux-ci passaient en revue l’horrifique carrière criminelle
qui les avait menés d’une première infraction aux Dix Commandements jusqu’au
pied de l’échafaud, devant lequel ils imploraient le pardon de Dieu et des
hommes.)
    Naturellement, plus le public était éloigné – dans le temps
et dans l’espace – du fameux brigand, plus il était facile de mettre en exergue
ce que ses activités avaient de positif et d’oublier ce qu’elles avaient de
condamnable. Il n’en reste pas moins qu’on peut faire remonter ce processus d’idéalisation
sélective à la première génération. Dans les sociétés où l’on trouve une
tradition du bandit, si un brigand choisit de s’attaquer, parmi d’autres cibles,
à ceux que l’opinion publique désapprouve, il pénètre immédiatement dans la
légende de Robin des Bois et en acquiert tous les attributs : déguisements
impénétrables, invulnérabilité, capture par trahison, et ainsi de suite (voir
chapitre 4). Il ne faisait ainsi aucun doute pour le sergent José Avalos, retraité
de la
gendarmerie
[147] et fermier dans
la province argentine du Chaco, où il avait lui-même pourchassé le célèbre
bandit Maté Cosido (Segundo David Peralta, 1897-?) au cours des années 1930, que
ce dernier avait été un « bandit du peuple ». Il n’avait jamais
détroussé de bons Argentins, mais seulement les agents des grandes compagnies
agroalimentaires étrangères, « 
los
cobradores de la Bunge y de la Clayton
 » (« bien sûr, me
confia le vieux garde lorsque je l’interrogeai dans sa ferme à la fin des
années 1960, mon métier [
oficio
]
consistait à l’attraper, tout comme son métier [
oficio
] était de faire le bandit »). Je fus ainsi en
mesure de prédire correctement ce dont il prétendait se souvenir à son sujet [148] . Il est vrai, en
effet, que le fameux bandit avait arrêté la voiture d’un représentant de la
Bunge & Born en 1935 et l’avait soulagé de 6 000 pesos ; au cours
de la seule année 1936, il avait braqué un train qui transportait, parmi d’autres
victimes comptant probablement des « bons Argentins », un homme de la
compagnie Anderson, Clayton & Co. (12 000 pesos), et empoché 45 000
pesos à l’occasion d’un raid dans une antenne locale de Dreyfus – qui était, avec
Bunge, l’un des plus grands noms du commerce agricole international. Toutefois,
les registres suggèrent

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