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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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l’avocat qui assura sa
défense devint par la suite président de la Real Academia Gallega. En 1902, il
rappela à la cour que les ballades composées par les poètes folkloriques et les
romans populaires attestaient de la popularité de son célèbre client [153] .
II
    Certains brigands peuvent donc entrer dans la légende du bon
bandit de leur vivant, ou pour le moins du vivant de leurs contemporains. Par
ailleurs, et n’en déplaise aux sceptiques, même des bandits célèbres dont la
réputation initiale est apolitique peuvent rapidement passer pour des
défenseurs des pauvres. Le radicalisme social et politique de Robin des Bois n’émerge
pas totalement avant le recueil publié en 1795 par le jacobite Joseph Ritson [154] . Il n’en reste
pas moins qu’il poursuit déjà des objectifs sociaux dans la première version de
la légende, qui date du XV e siècle : « Car
il était un bon hors-la-loi et se montra bien bon pour les pauvres. »
Néanmoins, sous sa forme littéraire, le mythe du bandit social n’apparaît sous
sa forme pleinement développée que dans l’Europe du XIX e siècle, lorsque même les candidats les moins probables peuvent être idéalisés
sous les traits de champions des luttes sociales ou nationales, ou – sous l’inspiration
du romantisme – d’hommes libérés des contraintes de la respectabilité
bourgeoise. On a pu définir le genre des récits de bandits, immensément
populaire en Allemagne au début du XIX e siècle, de
la façon suivante :
    « … des intrigues pleines d’action [qui] offraient au
lecteur bourgeois des descriptions violentes et des scènes de liberté sexuelle
[…]. Tandis que le crime trouve typiquement ses racines dans la négligence
parentale, une éducation défectueuse, et la séduction exercée par des femmes de
peu de mœurs, la famille bourgeoise parfaite, propre, disciplinée, patriarcale
et tenant les passions à distance, est présentée à la fois comme l’idéal et la
fondation d’une société bien ordonnée [155] . »
    En Chine, ce mythe est bien évidemment ancestral : les
premières légendes de bandits remontent à l’époque des « États guerriers »,
entre 481 et 221 avant J. -C., et le grand classique du banditisme qui voit le
jour au XVI e siècle,
Shui Hu Zuan
, inspiré d’une bande de hors-la-loi qui
vécurent au XII e siècle, était connu tant des
paysans illettrés, grâce aux conteurs et aux troupes de théâtre itinérantes, que
de tout jeune Chinois éduqué, et notamment de Mao [156] .
    Au XIX e siècle, le romantisme a
certainement contribué à former l’engouement ultérieur qui fit du bandit une
image des luttes de libération nationale, sociale, voire personnelle. Je ne
saurais nier que ma propre interprétation des
haïdoucs
comme « point de référence permanent et
conscient de l’insurrection paysanne » (voir plus haut, page 78 édition US)
a été en partie influencée par cette vision des choses. Il n’en reste pas moins
que les croyances au sujet du banditisme social forment un ensemble tout
simplement trop fort et trop homogène pour être réduit au rang d’une innovation
qui vit le jour au XIX e siècle ou même d’une
construction littéraire. Lorsque le public populaire rural, mais aussi urbain, a
pu exercer une sélection, il choisit de ne retenir de la littérature ou de la
réputation des bandits que les pans conformes à l’imaginaire social. L’analyse
que Roger Chartier a faite de la littérature qui porte sur le bandit Guilleri (actif
dans le Poitou entre 1602 et 1608) montre que, confrontés à un choix entre un
bandit foncièrement cruel, qui ne saurait se racheter que par la bravoure et la
contrition au pied de l’échafaud, et un homme de qualité qui, bien qu’étant
bandit, se montrerait bien moins cruel et brutal que les soldats et les princes,
les lecteurs préféraient le second. C’est à partir de ces fondations que prit
forme, à partir de 1632, le premier portrait littéraire en langue française du « brigand
au grand cœur [157]  »
élevé au rang de mythe et de stéréotype, à ceci près que l’État et l’Église
exigeaient que les criminels et les pêcheurs ne puissent l’emporter au paradis [158] .
    Le processus de sélection apparaît plus clairement encore
dans le cas d’un bandit exempt de mémorial littéraire significatif, dont on a
étudié la carrière à partir d’archives et d’entretiens avec cent trente-cinq
informateurs âgés en

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