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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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télévision, lui sont dédiés. Cependant, je
soupçonne les gens d’avoir un penchant plus marqué pour l’impudent escroc
Chucho (qui mourut en 1885), catholique mais anticlérical, et qui lui aussi fit
sa percée sur les écrans de télévision.
    Contrairement au Mexique, le Brésil est passé du statut de
colonie à l’indépendance sans bouleversements majeurs. Ce fut la Première
République (1889-1930) qui donna naissance, au moins dans l’arrière-pays
misérable du Nordeste, aux conditions sociales et politiques propices à une
épidémie de banditisme : les groupes d’hommes armés liés à des territoires
particuliers ou à des familles de l’élite se mirent à opérer de façon
indépendante et à se déplacer sur des territoires qui s’étendaient probablement
sur 100 000 kilomètres carrés et couvraient quatre ou cinq États. Les
grands
cangaçeiros
de la
période 1890-1940 devinrent rapidement célèbres au niveau régional, leur
réputation étant colportée oralement, par des poètes et des chanteurs locaux, et
par l’intermédiaire des romans populaires, qui firent leur apparition au Brésil
à partir de 1900 [167] .
Les migrations massives vers les villes du sud ainsi qu’une alphabétisation
croissante contribuèrent par la suite à introduire cette littérature dans les commerces
et les échoppes des mégapoles telles que São Paulo. Les médias modernes
projetèrent les
cangaçeiros
, qui
faisaient naturellement figure d’équivalents locaux des personnages du Far West,
sur les écrans de cinéma et de télévision, et ce d’autant plus facilement que
le plus célèbre d’entre eux, Lampiao, fut en fait le premier grand bandit à
être filmé sur le terrain [168] .
Des deux bandits les plus populaires, c’est Silvino qui acquit de son vivant
une réputation de « noble voleur » que les journalistes et le public
contribuèrent à accentuer, par opposition à la réputation tout aussi importante
mais certainement pas aussi bénigne de Lampiao, son successeur dans le rôle de « roi
de l’arrière-pays ».
    La cooptation politique et intellectuelle des
cangaçeiros
dans la tradition nationale
du Brésil n’en reste pas moins digne d’intérêt. Les écrivains du Nordeste en
proposèrent rapidement un traitement romantique, et il ne leur fut pas
difficile d’en faire des révélateurs de la corruption qui affligeait des
autorités iniques. Tant que Lampiao demeurait un acteur susceptible de peser
sur la vie politique, les bandits continuèrent à susciter un intérêt assez
large. L’Internationale communiste vit même en lui un leader potentiel de la
guérilla révolutionnaire, ce qui lui fut peut-être suggéré par le dirigeant du
Parti communiste brésilien Luis Carlos Prestes, qui avait été en contact avec
Lampiao lorsqu’il avait mené la « longue marche » des militaires
rebelles (voir p. 100-101 éd. US). Il n’en reste pas moins que les bandits ne
semblent pas avoir joué un rôle majeur lorsque les intellectuels brésiliens
tentèrent, au cours des années 1930, de produire un concept populaire et social
du Brésil, plutôt qu’une représentation élitiste et politique. Ce n’est qu’au
cours des années 1960 et 1970 qu’une nouvelle génération d’intellectuels
transforma le fameux
cangaçeiro
en symbole de l’identité nationale et de la lutte pour la liberté des oppressés
ou, pour le dire rapidement, en « symbole national de la résistance, voire
de la révolution [169]  ».
Ce qui ne manqua pas d’affecter la façon dont il était représenté par les
mass media
, même si les romans
populaires et la tradition orale restaient des modes de transmission vivaces
dans le Nordeste, au moins jusque dans les années 1970.
    La tradition colombienne a suivi une trajectoire très
différente. Pour des raisons évidentes, elle a été entièrement voilée par l’expérience
sanguinaire qui a débuté en 1948 (ou, selon certains historiens, en 1946), connue
sous le nom de
La Violencia
, et
par ses conséquences. Il s’agit essentiellement d’un conflit combinant guerre
de classes, régionalisme, et clivage partisan de populations rurales prêtant
allégeance, comme dans le cas des républiques du bassin de La Plata, à l’un ou
l’autre des partis traditionnels du pays (en l’occurrence les libéraux et les
conservateurs). Ce conflit se transforma en guerre civile dans plusieurs
régions après 1948 et laissa dans son sillage – sauf dans les

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