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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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la
gloire et la renommée présentent toutefois moins d’intérêt que les changements
intervenus dans les mentalités collectives. À ce niveau, il y a une différence
considérable entre les régions où, de mémoire d’homme, il n’existe pas de
souvenir direct du banditisme (si tant est qu’il se soit jamais développé de
façon significative) et celles où ce n’est pas le cas. C’est ce qui distingue
la Grande-Bretagne, ou le Midi de la France au cours des trois derniers siècles
(« où nous n’avons pas trace de bandes importantes [162]  »), de pays
tels que la Tchétchénie, où le banditisme est encore vivace aujourd’hui, ou de
l’Amérique latine, où il occupe toujours une place dans la mémoire d’hommes et
de femmes bien vivants. Entre ces deux extrêmes, on trouve les pays où la
mémoire du banditisme du XIX e siècle ou de ses
équivalents est préservée, en partie par la tradition nationale, mais le plus
souvent par les
mass media
modernes – de sorte qu’il peut encore incarner un style de vie, comme celui du
Far West aux États-Unis, voire inspirer l’action politique, comme dans le cas
des guérilleros argentins des années 1970 qui se considéraient comme les
successeurs des
montoneros
, dont
ils reprirent le nom – un choix qui, selon les historiens, a énormément accru
leur popularité auprès des recrues potentielles et du grand public [163] . Dans les pays
du premier type, la mémoire du banditisme a disparu, ou a été recouverte par d’autres
modèles de contestation sociale. Ce qui en reste est assimilé au mythe standard
du bandit, que l’on a déjà abondamment discuté.
    Les pays du second type présentent un intérêt bien plus
important, si bien qu’il peut s’avérer utile de conclure ce chapitre par
quelques réflexions sur trois d’entre eux, dans la mesure où ils permettent de
comparer des trajectoires très différentes de la tradition nationale du bandit :
le Mexique, le Brésil et la Colombie [164] .
Leur histoire a accoutumé ces pays au banditisme à grande échelle.
    Tous les voyageurs qui en ont parcouru les routes s’accordent
à dire que, si un État d’Amérique latine doit faire figure de pays du
banditisme, cela ne peut être que le Mexique du XIX e siècle. Au cours des soixante premières années de son indépendance, l’effondrement
du gouvernement et de l’économie, les conflits et la guerre civile donnèrent à
toute formation d’hommes en armes qui vivaient de leur force de frappe un
avantage considérable, ou tout du moins le choix entre rejoindre l’armée ou la
police, où ils recevraient un salaire du gouvernement (ce qui, à l’époque comme
par la suite, n’excluait pas le recours à l’extorsion), et simplement continuer
à vivre du banditisme. Au cours des différentes guerres civiles, les libéraux
de Benito Juarez, qui ne disposaient guère de protections traditionnelles, eurent
largement recours aux bandits. Cependant, les bandits qui donnèrent lieu à des
mythes populaires furent ceux qui agirent sous la dictature de Porfirio Diaz (1884-1911),
une période plus stable qui précéda la révolution mexicaine. Même à l’époque, on
pouvait considérer que ces bandits contestaient l’autorité et l’ordre établis. Par
la suite, bénéficiant d’une certaine sympathie rétrospective, ils ont pu apparaître
comme les précurseurs de la révolution [165] .
C’est essentiellement grâce à Pancho Villa, le plus éminent de tous les bandits
passés du côté de la révolution, que le banditisme a pu acquérir une légitimité
sans égale au Mexique, à la différence des États-Unis où, au cours de ces
années extrêmement violentes, le bandit mexicain cruel et à l’affût du gain
devint le modèle du méchant à Hollywood, au moins jusqu’en 1922, lorsque le
gouvernement mexicain menaça de bannir du pays tous les films réalisés par des
compagnies qui offensaient l’image du Mexique [166] . Parmi les
bandits qui acquirent une notoriété nationale de leur vivant – Jesus Arriga (Chucho
El Roto) dans le Mexique central, Heraclio Bernal à Sinaloa, et Santana
Rodriguez Palafox (Santanon) à Veracruz –, les deux premiers jouissent encore d’une
certaine popularité. Bernal, qui fut tué en 1889 et qui fit plusieurs
incursions en politique, est probablement le bandit le plus célèbre de l’âge
des médias : treize ballades, quatre poèmes, et quatre films, dont
certains ont été adaptés à la

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