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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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que les spécialités de la bande – l’attaque de train et
les enlèvements contre rançon – ne se distinguaient par aucune discrimination
patriotique [149] .
C’est le public qui se souvenait des exploiteurs étrangers et qui oubliait le
reste.
    La situation était plus claire encore dans les sociétés
féodales, où l’État criminalisait les homicides « légitimes », et ce
d’autant plus que personne ne croyait au caractère impartial de la justice d’État.
Hors-la-loi solitaire, Giuseppe Musolino n’accepta jamais de se voir décrire
comme un criminel quelconque, et une fois emprisonné refusa de revêtir l’uniforme
des prisonniers criminels. Il n’était ni un bandit ni un brigand, il n’avait ni
volé ni pillé : seulement tué des espions, des informateurs et des
infami
. Ce qui explique en partie la
sympathie extraordinaire, qui touchait à la vénération, ainsi que la protection
dont il bénéficiait dans les campagnes de la région de Calabre dont il était
originaire. Il croyait aux anciennes traditions contre les mauvais usages
modernes. Il était à l’image du peuple : il vivait une époque néfaste, il
était traité de façon injuste, il était faible, c’était lui la victime. À la
différence du peuple, cependant, il s’éleva contre le système. Qui se souciait
dans le détail des conflits politiques locaux qui avaient mené à l’homicide
initial [150]  ?
    Dans une situation polarisée politiquement, ce processus de
sélection était plus facile encore. En Pologne, dans les monts Beskides, c’est
une légende classique de bandit des Carpathes qui naquit autour d’un certain
Jan Salapatek (dit « L’Aigle », 1923-1955), résistant de l’Armée
polonaise de l’intérieur pendant la guerre qui continua ensuite dans la
résistance anticommuniste, retranché dans les forêts impénétrables des hautes
terres, jusqu’à ce qu’il trouve la mort aux mains des agents du Service de
sécurité de Cracovie [151] .
Quelle que soit la réalité de sa carrière, la méfiance des paysans pour les
nouveaux régimes rend son mythe difficilement séparable de la légende
traditionnelle du bon bandit – « il ne s’en distingue que par de légers
changements : une hache est remplacée par un fusil automatique, le palais
d’un propriétaire par une coopérative communiste, et le “starosta” par le
service de sécurité stalinien ». Le bon bandit ne fait de tort à personne.
Il vole une coopérative, mais jamais les gens. Le bon bandit se situe toujours
en opposition au mauvais voleur. Par conséquent, à la différence de certains – y
compris de certains résistants anticommunistes –, Salapatek ne faisait de tort
à personne (« Je me souviens qu’il y avait un partisan du même village – c’était
un salaud [
sic
] »). Il
était celui qui aidait les pauvres. Il distribuait des bonbons dans la cour de
l’école, il allait à la banque, en ramenait de l’argent, « le jetait sur
la place en disant “prenez, c’est votre argent et il n’appartient pas à l’État” ».
De façon parfaitement conforme aux besoins de la légende, et de façon quelque
peu surprenante pour un combattant irrégulier opposé au régime, il ne recourait
à la violence que pour se défendre et ne tira jamais le premier coup de feu. En
bref, « il était vraiment juste et sage, il se battait sincèrement pour la
Pologne ». Le fait que Salapatek soit né dans le même village que le pape
Jean Paul II n’est pas peut-être pas purement fortuit.
    En effet, dans les pays qui disposaient d’une tradition du
bandit, tout le monde s’attendait à voir quelqu’un revêtir le rôle du noble
bandit, qu’il s’agisse des forces de police, des juges ou des brigands
eux-mêmes, et il était possible de devenir un Robin des Bois en l’espace d’une
vie, à condition de remplir les critères minimums qui définissait le rôle. Tel
est clairement le cas de Jaime Alfonso « El Barbudo » (1783-1824), à
en croire les rapports du
Correo Murciano
de 1821 et 1822, ainsi que le récit du voyage de Lord Carnavon à travers la
péninsule ibérique (1822) [152] .
Il en va de même pour Mamed Casanova, dont le nom fit le tour de la Galicie au
début des années 1900. Un journal madrilène le présenta (photo à l’appui) comme
« el Musolino Gallego » (sur Musolino, voir p. 58,55 édition anglaise) ;
le
Diario de Pontevedra
fit
de lui un « bandit et martyr », tandis que

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