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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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n’appartient pas spécifiquement aux sociétés paysannes. Ce
modèle attire les jeunes hommes entreprenants, quelle que soit leur classe
sociale, et notamment ceux qui portent des armes. (L’attrait que ce modèle a pu
exercer sur les femmes est une question qui reste ouverte.) Et pourtant, quelle
que soit la nature du public initial de telle ou telle ballade, le mythe du
bandit trouve son essence dans la redistribution sociale et la justice pour les
pauvres. La plupart des pauvres étaient des paysans, de même que la grande
majorité de ceux qui devinrent des bandits.
    Une troisième critique, plus spécifique, porte sur les
bandits que j’ai décrits comme des
haïdoucs
,
c’est-à-dire des groupes qui peuvent à tout moment devenir des « mouvements
primitifs de résistance et de lutte de libération ». Cette vision, comme
je m’en rends compte maintenant, était influencée par l’image du
haïdouc
comme champion de la liberté et
de la libération nationale, une image qu’on a pu décrire comme un « 
topos
de l’époque romantique ». Néanmoins,
on a souligné la signification que le « modèle
haïdouc
 » a eue par la suite pour les
révolutionnaires des Balkans [178] .
Par ailleurs, les experts de l’Empire ottoman et des Balkans, en particulier
Fikret Adanir, ont avancé de façon convaincante l’idée qu’on ne peut simplement
parler de « paysans » dans une région où l’équilibre entre l’agriculture
sédentaire et le pastoralisme transhumant a été instable et n’a cessé de
fluctuer au cours des siècles. Et ce d’autant plus que les
haïdoucs
semblent provenir
essentiellement de communautés spécifiquement pastorales [179] .
    Néanmoins, les « strates militaires issues de la
paysannerie affranchie » (pastorale ou non) restaient un exemple de
liberté et de résistance potentielle à l’autorité, et un modèle pour les
paysans dont la situation n’était pas aussi favorable – et, plus tard, pour des
idéologues –, même lorsque ces derniers étaient attachés et par conséquent
intégrés au système impérial, comme tant de communautés militarisées aux
frontières de l’empire. (Le biographe du plus fameux bandit révolutionnaire
nous a récemment rappelé l’existence d’un équivalent occidental, les « colons
militaires », ces paysans libres qui luttaient contre les Apaches sur la
frontière mexicaine de l’Empire espagnol [180] .)
À l’instar des
gauchos
argentins qui se considéraient comme des ennemis de l’État et de l’autorité
légitime, même lorsqu’ils prêtaient service aux grands propriétaires et aux aspirants
à la présidence, les lignées de guerriers grecs qui résistaient au pouvoir
ottoman ou qui, au contraire, se plaçaient à son service, se considéraient
comme indépendants vis-à-vis de lui. Enfin, « c’est le conflit que la
mémoire collective a retenu : les chants clephtiques ont pour objet un
partage net entre le monde de la révolte primitive […] et le monde du droit
représenté par les autorités ottomanes et les notables. Quels qu’aient été les
arrangements requis pour faire coexister ces mondes, ce partage demeurait et ne
pouvait être effacé [181]  ».
    Pourtant, ma thèse originelle, selon laquelle les bandits
sociaux, à la différence de la « pègre » et des communautés de
voleurs professionnels, font partie de l’univers moral de la paysannerie, a
peut-être été entamée plus que je ne l’imagine par un fait que je n’avais
relevé qu’en passant : les communautés de bandits permanentes et
structurées constituent des formations sociales séparées et autonomes. À l’image
de la contre-société que forment les bas-fonds criminels, elles développement
des formes de comportement et des langages spécifiques (des argots) pour se
distinguer du reste de la population, même si le « Glossaire de termes
choisis de l’argot des bandits » dans l’ouvrage de Billingsley,
Bandits in Republican China
[182] , tend à suggérer
que le vocabulaire spécifique aux bandits chinois ne recouvrait guère plus que
des expressions réservées à des activités criminelles spécifiques et des
euphémismes. Et pourtant, ces formations sociales restèrent dévouées aux fondations
morales de la communauté et de l’empire, au contraire de groupes tels que les
Bokkerijders
décrits par Anton Blok, qui
affichaient des comportements délibérément blasphématoires et se posaient
consciemment en

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