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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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marginaux n’apparaissent clairement que dans les cas de collusion
avec une identité ethnique, comme avec les juifs ou les gitans. Néanmoins, ces
groupes formaient de façon non officielle quelque chose qui se rapprochait d’une
caste d’outsiders et de marginaux. Paradoxalement, leurs membres étaient
parfois employés par les autorités en raison même de leur position d’extériorité
vis-à-vis de la communauté : le bourreau en est un bon exemple. En Bavière,
les huissiers de justice, les appariteurs judiciaires, ainsi que d’autres
agents de la petite fonction publique étaient fréquemment recrutés dans les
rangs de ces professions marginales (
unehrlich
) :
d’où, comme cela a été suggéré (par Küther), l’hostilité particulièrement
marquée dont le Hiesel bavarois fit preuve à leur égard, dans la mesure où ce
bandit social représentait le monde « honnête » de la paysannerie.
    L’intégration fonctionnelle de ces groupes à la société
environnante n’était pas constante ; elle cessait notamment au cours des
périodes de famine, de guerre, ou lorsque des crises ou des désordres sociaux d’une
autre nature jetaient sur les routes sillonnant l’Europe des hommes et des
femmes déracinés qui mendiaient, volaient, et cherchaient du travail. Il ne
fait aucun doute que cette population itinérante pouvait être énorme. Pour la
seule Allemagne, on a estimé qu’elle représentait 10 % de la population totale
au XVIII e siècle : une masse d’hommes – et, aux
pires moments, de femmes – issus des professions itinérantes, cherchant du
travail ou, comme les artisans saisonniers, engagés dans une année de
pérégrinations institutionnalisées ; de « mendiants aptes au travail »
(en France, 45 % des vagabonds délinquants atteignaient une taille que
seulement 10,5 % de la population générale atteignait) ; et de ce que les
Français appelaient des « gens sans aveu », c’est-à-dire des
vagabonds n’ayant aucune place, pas même en théorie, dans l’ordre social.
    L’idée que les classes criminelles sont porteuses d’une
forme de contestation sociale repose sur une analogie : elles
entretiendraient avec cette vaste sous-classe, sédentaire ou itinérante, victime
de diverses formes d’oppression et de discrimination, les mêmes rapports que
ceux que le bandit social entretient avec la société paysanne dont il « représente »
les intérêts. On a même pu avancer que les criminels étaient
plus
révolutionnaires que Robin des
Bois, dans la mesure où ils constituaient un défi lancé à l’autorité et à l’État
lui-même, ce qui n’est pas le cas des bandits sociaux, comme nous l’avons vu.
    Il ne fait aucun doute que les bandes de voyous ont pu
bénéficier de l’aide et du soutien de la population et des individus
marginalisés. Ni que tout individu appartenant à cette population ait été
susceptible – et, au cas où il fût un vagabond, ait sans doute cédé à la
tentation – de parfois prendre part à certaines actions que les autorités, mais
aussi les populations locales, considéraient comme criminelles. Durant les
phases de recrudescence du vagabondage, « malgré les fréquentes
démonstrations de solidarité et les gestes de compassion envers la misère
véritable, l’image du “pauvre du Seigneur” céda la place à celle de l’étranger
dangereux, de la personne ayant choisi la voie qui mène au crime [187]  ». Ce n’était
pas seulement la figure émergente du bourgeois, avec son éthique puritaine, mais
le petit peuple travailleur des campagnes, moins bien protégé que les habitants
des villes, qui appelaient à des mesures draconiennes à l’encontre des pauvres erres
désœuvrés et venant d’ailleurs. Enfin, il ne fait aucun doute que ces bandes de
marginaux pouvaient compter de façon systématique sur un réseau de soutiens, d’abris,
et d’approvisionnement fourni par les populations rurales marginalisées, sans
lequel elles n’auraient su opérer.
    Il n’en reste pas moins qu’on ne saurait comparer les
criminels et les bandits sociaux, même s’ils sont tous deux délinquants aux
yeux de la loi, dans la mesure où le jugement moral du commun des mortels ne
considérait que les premiers comme des criminels. La distinction entre les
actes antisociaux et ceux qui ne le sont pas peut prendre des formes très
différentes selon l’époque, le lieu et l’environnement social, mais elle existe
dans

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