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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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hors-la-loi. Il n’y avait pas de
distinction nette entre les gens ordinaires et les marginaux, les vagabonds et
les étrangers, surtout pendant les temps difficiles ou aux marges de la société
établie. Les révolutionnaires qui travaillaient dans les campements de
vagabonds, comme les Wobblies [195] ,
pouvaient parvenir à « moraliser » ces derniers en interdisant la
consommation d’alcool et de drogue, mais il y a fort à parier que les trains de
marchandises transportaient de nombreux individus prêts à s’attaquer à n’importe
qui, riche ou pauvre, même si, pour s’assurer un voyage tranquille, ils
sortaient leur carte de membre lorsqu’il le fallait. Et cela même lorsqu’ils
sympathisaient vaguement avec la lutte contre l’injustice. Il se peut que le
monde rural sédentaire préindustriel ait établi une distinction plus marquée
entre les gens « ordinaires » et les « marginaux », ne
serait-ce que parce que les différences entre les membres d’une communauté et
les « étrangers » étaient beaucoup plus claires, de même que celles
qui distinguaient le statut des individus et des familles à l’intérieur de la
communauté. En dessous d’un certain statut et d’un certain style de vie, la
distinction devenait moins nette, mais elle ne cessait pas d’exister pour
autant, et les gens (y compris les marginaux) en étaient conscients.
    Par conséquent, quels que soient les éléments de dissidence
sociale que l’on peut relever dans le banditisme social comme dans le monde
criminel, MacHeath et Robin des Bois n’en sont pas pour autant tout à fait
comparables, pas plus que ne le sont leurs sympathisants. Ils opéraient de
façon différente : Robin des Bois pouvait faire appel à la bonne volonté
de tout homme qui n’était pas un ennemi personnel ou un représentant des
autorités ; pour les bandits de grand chemin, les campagnes n’étaient pas
tant un milieu naturel dans lequel ils se déplaçaient avec aisance qu’un désert
qu’ils devaient traverser en se repliant sur les quelques oasis et les rares
abris qu’ils connaissaient, un réseau formé d’auberges qui servaient de repères
de brigands et de lieux de recel [196] .
Les bandits sociaux constituaient une caste particulière parmi les habitants
des campagnes, et ils ne se distinguaient des autres que par leur volonté et
leur capacité de ne pas courber l’échine. Ils ne se cachaient pas, et ils
continuaient de vivre au grand jour même lorsqu’ils échangeaient leur rôle de
paysan-bandit pour celui de serviteur du seigneur ou de l’État. Les marauds
vivaient dans leur monde, en retrait : un monde souterrain situé bien plus
à l’écart de la société « comme il faut » que notre civilisation
urbaine et commerciale n’est à même de le concevoir. Les bandits sociaux
pouvaient être (et, dans les faits, étaient) des motifs de fierté pour la
société à laquelle ils appartenaient. Les marauds n’étaient des héros qu’aux
yeux des marginaux et des laissés-pour-compte, à moins qu’ils n’aient acquis la
réputation de bandits sociaux, auquel cas le mythe se chargeait d’effacer leur
passé criminel. Même les communautés traditionnelles de marginaux, pour autant
qu’elles fussent de véritables communautés, hésitaient à les revendiquer
publiquement comme leurs membres. Et aujourd’hui encore, les juifs désireux de
revendiquer comme étant des leurs des révolutionnaires qui rejettent leur
judaïsme – comme un Marx ou un Trotsky – restent embarrassés par un Meyer
Lansky [197] .
    La question de savoir si le maraud est plus conforme au
modèle du rebelle social que le bandit paysan n’a pas à nous retenir ici. Si l’on
s’en tient à l’acception moderne de ce terme, aucun d’entre eux n’abritait
vraiment une âme de révolutionnaire, comme cet ouvrage s’est efforcé de le
montrer dans le cas des bandits sociaux. Dans une conjoncture révolutionnaire, l’un
comme l’autre peuvent venir grossir les rangs de la révolution, même si on ne
dispose guère d’éléments suggérant qu’ils se soient joints aux grandes
révolutions de la modernité européenne par conviction. Le cas de la Chine est
peut-être différent. L’élément à retenir est qu’à l’époque de leur apogée, les
révolutions pouvaient faire appel aux bandits sociaux, mais pas aux criminels. Et
cela non seulement parce que la société paysanne sédentarisée était beaucoup
plus nombreuse

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