Les chasseurs de mammouths
s’élargirent, avant de se reporter avec un
profond respect sur l’écran.
— Chaque Camp reçut une partie de la femelle blanche,
puisqu’elle avait rendu son esprit lors de la première chasse d’une Réunion d’Été.
Moi, j’ai demandé ceci. On l’appelle l’ombre de sa peau. Elle a moins de
substance que les autres parties blanches, et l’on ne peut pas l’exposer pour
montrer à tous son pouvoir, mais, à mon avis, ce qui est plus subtil peut être
aussi plus puissant. Ceci vaut mieux qu’un petit morceau : ceci
enveloppait l’esprit intérieur de tout l’animal.
Brinan et Crisavec firent subitement irruption dans l’espace qui
formait le centre du Foyer du Mammouth. Ils s’étaient poursuivis tout au long
du passage qui venait des Foyers de l’Aurochs et de la Grue. Ils culbutèrent l’un
sur l’autre pour se battre, faillirent même heurter le délicat écran. Mais ils
se figèrent quand Brinan remarqua la longue jambe maigre qui leur barrait le
chemin. Ils levèrent les yeux, leur regard rencontra la représentation du
mammouth, et ils étouffèrent une exclamation. Tous deux se tournèrent vers
Mamut. Aux yeux de Jondalar, le visage du chaman était dépourvu d’expression.
Pourtant, les deux garçons de sept et huit ans se relevèrent précipitamment et,
en évitant soigneusement l’écran, se dirigèrent vers le premier foyer, comme s’ils
avaient été sévèrement grondés.
— Ils avaient l’air contrits, presque effrayés. Cependant,
tu ne leur as pas dit un mot, et je ne les ai jamais vus avoir peur de toi,
remarqua Jondalar.
— Ils ont vu l’écran. Parfois, quand tu contemples l’essence
d’un puissant esprit, tu vois ton propre cœur.
Jondalar hocha la tête en souriant mais il n’était pas sûr de
bien comprendre ce que voulait dire le vieux chaman. Il parle comme une
Zelandoni, se disait-il, avec une ombre sur la langue, comme le font si souvent
les gens de son espèce. Toutefois, il n’était pas certain de vouloir voir son
propre cœur.
En traversant le Foyer du Renard, les enfants saluèrent le
sculpteur, qui leur répondit d’un sourire. Ce sourire s’élargit quand Ranec
ramena son attention sur le Foyer du Mammouth, qu’il observait depuis un bon
moment. Ayla venait d’apparaître et s’était immobilisée devant le rideau pour
ajuster les plis de sa tunique. A sa vue, Ranec sentit son visage s’enfiévrer.
Son cœur battait à grands coups.
Plus il voyait Ayla, plus il la trouvait ravissante. Les longs
rayons du soleil, qui entraient par le trou à fumée, venaient tout exprès, lui
semblait-il, chatoyer sur elle. Il voulait se rappeler ce moment, repaître sa
vue de ce spectacle. L’abondante chevelure de la jeune femme, qui retombait en
vagues harmonieuses autour de son visage, faisait comme un nuage doré qui
jouait avec les rayons lumineux. Ses mouvements pleins de spontanéité étaient d’une
grâce absolue. Personne n’imaginait l’inquiétude qui avait taraudé Ranec durant
l’absence d’Ayla, ni son bonheur à l’idée qu’elle allait devenir l’une d’entre
eux. Il fronça les sourcils quand Jondalar vit la jeune femme, s’approcha d’elle
et lui passa autour de la taille un bras possessif. Il s’interposait maintenant
entre elle et Ranec et la lui cachait.
Ils s’avancèrent dans la direction du sculpteur pour se rendre
au premier foyer. Elle s’arrêta pour regarder l’écran : elle était
visiblement impressionnée, admirative. Le couple s’engagea dans le passage pour
traverser le Foyer du Renard. Le sculpteur surprit une vive rougeur sur les
joues d’Ayla quand elle le vit. Vivement, elle baissa les yeux. Le visage de
son compagnon s’empourpra, lui aussi, mais son regard marquait bien que le
plaisir n’y était pour rien. Les deux hommes se dévisagèrent fixement au
passage. L’expression de Jondalar traduisait la colère et la jalousie. Ranec
faisait un grand effort pour paraître indifférent et sûr de lui. Machinalement,
ses yeux allèrent chercher le regard impassible de l’homme qui se dressait
derrière Jondalar, l’homme qui représentait l’essence de la spiritualité du
Camp. Sans bien savoir pourquoi, il se sentit décontenancé.
Les deux jeunes gens arrivèrent au foyer d’entrée. Ayla comprit
alors pourquoi elle n’avait pas remarqué de préparatifs fébriles en vue du
festin. Nezzie surveillait les femmes qui enlevaient des feuilles flétries, des
herbes fumantes d’un trou
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