Les chasseurs de mammouths
soin de ses petits.
— Elle était solitaire, soit. Mais pourquoi as-tu passé la
journée à la recherche d’un louveteau ?
Jondalar parlait d’une voix de plus en plus forte. Il libérait
son anxiété, sa propre tension, tout en cherchant à convaincre Ayla de ne plus
courir de tels risques.
— Ce louveteau était tout ce que la mère louve avait jamais
possédé. Je ne pouvais pas le laisser mourir de faim après avoir tué sa mère.
Si quelqu’un n’avait pas pris soin de moi quand j’étais petite, je serais
morte. Je dois, moi aussi, secourir les plus démunis, même un petit loup.
La jeune femme, elle aussi avait élevé la voix.
— Ce n’est pas la même chose. Un loup est un animal. Tu
devrais avoir assez de bon sens, Ayla, pour ne pas mettre ta vie en danger afin
de sauver un louveteau, cria Jondalar.
Apparemment il était incapable de lui faire entendre raison.
— Il ne fait pas un temps à rester dehors toute une
journée.
La colère flamba dans les yeux de la jeune femme.
— J’ai du bon sens, Jondalar. C’était moi qui étais dehors.
Crois-tu que je ne sais pas le temps qu’il faisait. Crois-tu que je ne sais pas
quand je suis en danger ? Je me tirais d’affaire seule, avant ton arrivée,
et j’ai affronté des dangers bien pires. J’ai même pris soin de toi. Je n’ai
pas besoin de toi pour me dire que je suis stupide et que je manque de bon
sens.
Les gens rassemblés au Foyer du Mammouth réagissaient à la
querelle, souriant nerveusement, cherchant à la minimiser. Jondalar jeta un
coup d’œil autour de lui, vit ces sourires, remarqua que certains groupes
échangeaient des commentaires. Mais celui qui se distinguait de tous les autres
était l’homme à la peau sombre, aux yeux étincelants. Y avait-il une touche de
condescendance dans son large sourire ?
— Tu as raison, Ayla. Tu n’as pas besoin de moi, j’imagine.
Pour quoi que ce soit, lança Jondalar.
Il vit approcher Talut, demanda :
— Verrais-tu un inconvénient à ce que je m’installe dans le
foyer de la cuisine, Talut ? Je m’efforcerai de ne gêner personne.
— Non bien sûr, je n’y vois pas d’inconvénient, mais...
— Très bien, merci.
Jondalar prit ses fourrures de couchage, débarrassa de ses
affaires la plate-forme qu’il partageait avec Ayla.
La jeune femme était accablée, affolée à l’idée qu’il pouvait
vraiment avoir envie de dormir loin d’elle. Elle était presque sur le point de
le supplier de ne pas la quitter, mais l’orgueil la retint.
Il avait partagé son lit, mais, depuis longtemps déjà, ils n’avaient
pas partagé les Plaisirs : il ne l’aimait plus, elle en était convaincue.
Dans ce cas, elle n’allait pas tenter de le retenir, même si, à la pensée de
cette séparation, la peur et la souffrance lui nouaient l’estomac.
Il entassait ses affaires dans une hotte.
— Tu ferais bien de prendre aussi ta part de nourriture,
dit-elle. Dans un effort pour rendre la séparation moins définitive elle
ajouta :
— Mais je ne vois pas qui te fera la cuisine, là-bas. Ce n’est
même pas un véritable foyer.
— Qui donc, à ton avis, me faisait la cuisine, quand j’accomplissais
mon grand Voyage ? Une donii ? Je n’ai pas besoin de femme pour
prendre soin de moi ; Je préparerai mes repas moi-même !
Les bras chargés de fourrures, il traversa à grands pas le Foyer
du Renard et le Foyer du Lion, jeta ses couvertures sur le sol, près de l’aire
où travaillaient les façonneurs d’outils. Ayla, encore incapable d’y croire, le
suivit des yeux.
L’abri entier bourdonnait de la rumeur de leur séparation. Après
avoir appris la nouvelle, Deegie, encore incrédule, se hâta dans le passage
central. Pendant qu’Ayla faisait manger le louveteau, sa mère et elle s’étaient
retirées au Foyer de l’Aurochs et s’y étaient entretenues quelque temps.
Deegie, qui avait elle aussi changé de tenue, avait l’air plutôt abattue mais,
en même temps, décidée. Certes, elles n’auraient pas dû rester aussi longtemps
dehors, tant pour leur sécurité qu’en raison de l’inquiétude causée aux autres.
Mais, non, étant donné les circonstances, Deegie n’aurait pu agir différemment.
Tulie aurait aimé s’entretenir avec Ayla aussi, mais ce ne serait pas indiqué,
elle le sentit, surtout après avoir entendu l’histoire contée par Deegie. Ayla
avait demandé à son amie de rentrer, avant de commencer cet
Weitere Kostenlose Bücher