Les chasseurs de mammouths
Peut faire à moi même signe. Veut dire « femme
mère ». Toi faire ainsi... (Ayla montra une autre variante.)... pour dire « bonjour,
enfant ». Et ainsi... (Elle fit encore une variante.)... pour dire « bonjour,
mon fils ». Tu vois ?
Ayla reproduisit toutes les variantes sous le regard attentif de
Nezzie. La femme, en dépit d’une certaine gêne, fit une nouvelle tentative. Son
geste manquait encore un peu de précision, mais Ayla et Rydag le comprirent
néanmoins : elle voulait dire « bonjour, mon fils ».
L’enfant, qui se tenait près de son épaule, lui passa autour du
cou ses bras maigres. Nezzie le serra contre lui, battit des paupières pour
retenir les larmes qui menaçaient de déborder. Les yeux mêmes de Rydag étaient
humides, ce qui surprit la jeune femme.
De tous les membres du clan de Brun, elle avait été la seule
dont les yeux pouvaient se mouiller d’émotion, même si les autres éprouvaient
des sentiments aussi forts. Son fils était capable de s’exprimer tout comme elle – elle
se souvenait encore douloureusement de sa voix qui l’appelait, quand elle avait
été forcée de partir –, mais Durc n’avait pas de larmes pour exprimer son
chagrin. Comme sa mère, elle-même membre du Clan, Rydag ne pouvait pas parler,
mais, quand ses yeux s’emplissaient d’amour, ils brillaient en même temps de
larmes.
— Jamais je n’ai été capable de lui parler jusqu’à présent,
dit Nezzie, mais j’étais sûre qu’il me comprenait.
— Veux apprendre autres signes ? demanda doucement
Ayla.
La femme, qui tenait toujours l’enfant dans ses bras, se
contenta d’un hochement de tête. Elle n’osait parler, de crainte de se livrer
tout entière à son émotion. Ayla se lança dans une autre série de signes avec
leurs variantes. Nezzie et Rydag concentraient sur ses mains toute leur
attention.
Les filles de Nezzie, Latie et Rugie, en compagnie des plus
jeunes enfants de Tulie, Brinan et sa petite sœur Tusie, qui avaient à peu près
l’âge de Rugie et Rydag, s’approchèrent pour découvrir ce qui se passait.
Crisavec, le fils de Fralie, qui avait sept ans, se joignit à eux. Bientôt, ils
se passionnaient tous pour ce qui leur paraissait un jeu nouveau : parler
avec les mains.
Mais, à la différence des jeux auxquels se livraient le plus
souvent les enfants du Camp, c’en était un où Rydag excellait. Ayla n’allait
pas assez vite pour lui. Il lui suffisait de lui montrer une seule fois le
signe : il y ajoutait bientôt lui-même les variantes, toutes les nuances
qui en affinaient la signification.
C’était d’autant plus excitant que les autres enfants
apprenaient eux aussi. Pour la première fois de sa vie, Rydag avait la
possibilité de s’exprimer librement et il ne s’en lassait pas. Les petits
camarades avec lesquels il avait grandi acceptaient tout naturellement sa
faculté de « parler » couramment de cette nouvelle manière. Il n’était
pas comme eux, ils le savaient. Mais ils n’avaient pas encore été contaminés
par l’opinion préconçue des adultes qui en concluaient qu’il était dénué d’intelligence.
Et, depuis des années, Latie, comme le font souvent les sœurs aînées,
traduisait son « baragouin » pour les grandes personnes du Camp.
Quand ils en eurent tous assez d’apprendre, ils s’éloignèrent
pour aller mettre en pratique le nouveau jeu. Ayla remarqua que Rydag
corrigeait leurs erreurs, et qu’ils se tournaient vers lui pour se faire
confirmer le sens de tel ou tel signe. Il s’était trouvé une place nouvelle
parmi ses pairs.
Assise près de Nezzie, elle les regardait échanger leurs signaux
silencieux. Elle sourit. Qu’aurait pensé Iza, si elle avait vu les enfants des
Autres s’exprimer à la façon du Clan, mais rire et crier en même temps ?
La vieille guérisseuse aurait sûrement compris, se disait malgré tout Ayla.
— Tu dois avoir raison. C’est sa façon de parler, déclara
Nezzie. Je ne l’avais jamais vu si prompt à apprendre. Jamais je n’avais
entendu dire que... Comment les appelles-tu ?
— Le Clan. Ils disent Clan. Ça veut dire... famille...
peuple... humains. Le Clan de l’Ours des Cavernes, gens qui honorent Grand Ours
des Cavernes. Vous dites Mamutoï, Chasseurs de Mammouths, qui honorent Mère,
expliqua Ayla.
— Le Clan... Je ne savais pas qu’ils pouvaient parler
ainsi. Je ne savais pas qu’on pouvait dire tant de choses avec les mains...
Jamais je
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