Les chasseurs de mammouths
utilisait aussi des signes plus
courants que le Camp du Lion comprenait. Ils s’aperçurent donc que le rituel
était destiné à faciliter l’accès à l’autre monde. Mais les autres Mamutoï
voyaient seulement une danse gestuelle où les bras et les mains dessinaient des
mouvements gracieux qui évoquaient l’amour et la perte, le chagrin et l’espoir
mythique de l’au-delà.
Enthousiaste, et les joues inondées de larmes comme tous les
membres du Camp du Lion, Jondalar contemplait la danse silencieuse en se
rappelant le jour – qui paraissait si lointain – où elle
avait tenté, dans sa vallée, de lui expliquer quelque chose d’important avec cette
même grâce. A cette époque, alors qu’il n’avait pas encore compris la nature
idiomatique de cette curieuse danse, il avait pressenti que ses gestes
recelaient un sens caché. Maintenant, il s’étonnait de son ignorance passée et
se laissait charmer par la beauté du rituel.
Il se souvint de l’attitude qu’elle adoptait au début de leur
rencontre, assise par terre, les jambes croisées, la tête courbée, attendant qu’il
lui touchât l’épaule. Même lorsqu’elle avait su parler, elle avait persévéré
dans cette position qui l’embarrassait d’autant plus qu’il avait appris qu’il s’agissait
d’une coutume du Clan. Mais elle lui avait expliqué qu’elle ne connaissait pas
d’autres moyens de faire comprendre ce qu’elle ne pouvait pas dire avec des
mots. Il songea en souriant qu’il n’y avait pas si longtemps, elle ne savait
pas parler. Maintenant, elle s’exprimait couramment en deux langues : le Zelandonii
et le mamutoï. Trois, en comptant le langage du Clan. Elle avait même appris
quelques expressions sungaea au cours du peu de temps qu’elle avait passé avec
eux.
En contemplant le rituel du Clan, envahi par les souvenirs de
leurs amours dans la vallée, il la désirait plus que jamais. Mais à côté d’Ayla,
il aperçut Ranec, aussi captivé que lui, et chaque fois qu’il regardait la
jeune femme, il ne pouvait éviter l’homme à la peau sombre. Depuis son retour,
Ranec ne quittait plus Ayla, et il avait clairement fait comprendre à Jondalar
qu’elle était toujours sa Promise. Jondalar avait essayé de parler à Ayla et de
lui exprimer sa douleur devant la mort de Rydag, mais elle n’avait pas semblé
sensible à ses efforts pour la consoler. Elle était submergée de chagrin, qu’espérait-il ?
Soudain, toutes les têtes se tournèrent. Marut, le tambour,
frappait sur le crâne de mammouth tendu de peau. On jouait de la musique aux
enterrements mamutoï, mais le rythme lancinant qui venait de s’élever ne
ressemblait pas à ce qu’ils avaient l’habitude d’entendre. C’étaient les
rythmes étranges et fascinants qu’Ayla lui avait enseignés. Les rythmes du
Clan. Manem, le musicien barbu, reproduisit alors avec sa flûte l’air qu’elle
lui avait sifflé. La flûte et le tambour épousèrent les mouvements de la danse
rituelle d’Ayla qui s’enrichirent d’une dimension aussi évanescente que la
musique elle-même.
Arrivée à la fin de son rituel, Ayla décida de recommencer,
accompagnée cette fois par les musiciens qui se mirent à improviser. Grâce à
leur talent, ils transformèrent la mélodie simple du Clan en un rythme plus
complexe qui n’était ni Clan ni mamutoï, mais un mélange des deux. Ayla ne put
s’empêcher de penser qu’il s’agissait là d’une musique à la mesure de Rydag,
lui-même mélange de Clan et de mamutoï.
Toujours accompagnée par les musiciens, Ayla recommença une
dernière fois le rituel funéraire. Elle s’était, mise à pleurer sans s’en
rendre compte, mais elle voyait bien qu’elle n’était pas la seule. Les yeux
gonflés de larmes étaient nombreux parmi les Mamutoï du Camp du Lion.
A la fin de la troisième danse, un nuage sombre venant du
sud-est avait obscurci le ciel. C’était la saison des orages et les Mamutoï
coururent s’abriter. Mais à la place de l’eau, une poussière légère s’abattit
sur le campement, et la pluie de cendres tomba de plus en plus fort.
Plantée près du cairn de Rydag, Ayla sentit la caresse des
cendres volcaniques sur son visage, ses cheveux, ses épaules. La poussière l’enveloppa,
s’accrochant à ses bras, ses sourcils, ses cils même, et la transforma en
statue grisâtre. La cendre recouvrait tout, les pierres du cairn, l’herbe, et
jusqu’à la poussière du chemin. Ceux qui
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