Les chasseurs de mammouths
cracher, avant de
prendre d’elle-même une longue inspiration. Elle s’était remise à respirer.
Ayla l’aida à s’asseoir. Alors seulement, elle entendit Tronie qui sanglotait
de soulagement en retrouvant sa fille vivante.
Ayla enfila sa pelisse et rejeta le capuchon en arrière,
avant d’explorer du regard la rangée de foyers. Dans le dernier, celui de l’Aurochs,
elle vit Deegie : debout près du feu, elle brossait ses beaux cheveux
couleur de feuille morte et les nouait en chignon, tout en parlant à quelqu’un
qui se tenait sur une plate-forme. Au cours des derniers jours, Ayla et Deegie
étaient devenues de bonnes amies et, le matin, elles sortaient le plus souvent
ensemble. Deegie enfonça dans son chignon une longue épingle d’ivoire, salua
Ayla de la main et lui fit signe : « Attends-moi. Je vais avec
toi. »
Tronie était assise sur l’une des couches, dans le foyer voisin
de celui du Mammouth. Elle donnait le sein à Hartal. Elle sourit à Ayla, l’appela
de la main. Ayla pénétra dans l’espace qui constituait le Foyer du Renne. Elle
s’assit près de la jeune femme, se pencha vers le bébé pour lui gazouiller
quelques mots et le chatouiller. Il lâcha le sein un instant, gloussa, agita
les jambes, avant de tendre la main vers sa mère pour se remettre à téter.
— Il te connaît déjà, Ayla, dit Tronie.
— Hartal est petit enfant heureux, en bonne santé. Pousse
vite. Où est Nuvie ?
— Manuv l’a emmenée dehors tout à l’heure. Il s’occupe si
bien d’elle. Je suis heureuse qu’il soit venu vivre avec nous. Tornec a une
sœur, et Manuv aurait pu aller vivre avec elle. Les vieux et les jeunes s’entendent
toujours bien, semble-t-il, mais Manuv passe presque tout son temps avec cette
petite et il est incapable de lui refuser quelque chose. Surtout depuis que
nous avons failli la perdre.
La jeune mère redressa le bébé contre son épaule, lui tapota le
dos. Elle se retourna ensuite vers Ayla.
— Je n’ai pas eu l’occasion de te parler en particulier. Je
voudrais te remercier encore une fois. Nous t’avons tous beaucoup de
reconnaissance... J’ai eu si peur qu’elle ne fût... J’en fais encore des cauchemars.
Je ne savais plus que faire. Je me demande ce que je serais devenue si tu n’avais
pas été là...
Les larmes lui vinrent aux yeux. Sa voix s’étrangla.
— Tronie, ne dis rien. Est ma... je ne sais pas mot... J’ai
connaissances... Est nécessaire... pour moi.
Ayla vit Deegie traverser le Foyer de la Grue. Fralie l’observait,
remarqua-t-elle. Les yeux de la femme étaient soulignés de larges cernes. Elle
semblait anormalement fatiguée. Ayla l’avait surveillée attentivement : la
grossesse de Fralie était assez avancée, pensait-elle, pour qu’elle n’eût plus
à souffrir de nausées matinales. Pourtant, elle vomissait encore fréquemment,
et pas seulement le matin. Ayla aurait aimé lui faire subir un examen
approfondi, mais, quand elle y avait fait allusion, Frébec avait provoqué un
énorme tumulte. Qu’elle eût empêché quelqu’un de s’étouffer, avait-il affirmé,
ne prouvait pas qu’elle s’y connût en maladies. Elle le prétendait, mais il n’était
pas convaincu et il ne voulait pas voir une étrangère donner de mauvais conseils
à Fralie. Cet éclat fournit à Crozie une bonne raison de s’élever contre lui.
Finalement, pour mettre fin à leur querelle, Fralie déclara qu’elle se sentait
très bien et n’avait aucun besoin de consulter Ayla.
Avec un sourire encourageant à l’adresse de la malheureuse, Ayla
se munit d’une outre vide et, avec Deegie, se dirigea vers l’entrée. Dans le
Foyer du Renard, Ranec leva la tête à leur passage et les suivit des yeux. La
jeune femme eut nettement l’impression qu’il ne la quittait pas du regard tout
le temps qu’il lui fallut pour traverser le Foyer du Lion et la salle où l’on
faisait la cuisine. En atteignant la voûte d’entrée, elle dut faire un effort
pour ne pas se retourner.
Les deux amies soulevèrent le rabat de cuir. Ayla battit des
paupières devant l’éclat inattendu d’un soleil qui brillait intensément dans un
ciel bleu aveuglant. C’était l’une de ces journées d’automne d’une douce
tiédeur, un véritable don du ciel à garder en mémoire durant la saison où les
vents rageurs, les violentes tempêtes, le froid cruel seraient le lot
quotidien. Ayla sourit de bonheur. Brusquement, un souvenir lui revint :
elle
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