Les chasseurs de mammouths
panse pleine d’eau,
mais Deegie s’arrêta, regarda Ayla.
— Au début, je ne comprenais pas pourquoi Nezzie avait
voulu le garder. Mais je me suis habituée à lui et j’ai fini par me prendre d’affection
à son égard. A présent, il est l’un d’entre nous. Il me manquerait s’il n’était
plus là. Mais jamais il ne m’était venu à l’esprit qu’il pouvait avoir envie de
parler. Je ne pensais pas qu’il en avait même l’idée.
A l’entrée de la galerie, Jondalar regardait approcher les deux
jeunes femmes, absorbées par leur conversation. Il était heureux de voir Ayla s’adapter
aussi bien. A bien y réfléchir, il semblait stupéfiant que, parmi tous les gens
qu’ils auraient pu découvrir, le seul groupe qu’ils avaient rencontré avait
accueilli un enfant d’esprits mêlés, ce qui les disposait plus que la plupart à
accepter la jeune femme. Sur un point, pourtant, il ne s’était pas
trompé : Ayla n’hésitait pas à parler de ses origines.
Au moins ne leur avait-elle rien dit de son fils, pensa-t-il.
Une femme comme Nezzie pouvait bien ouvrir son cœur à un orphelin, mais comment
aurait-on accueilli une jeune femme dont l’esprit s’était uni à celui d’une
Tête Plate, et qui avait donné naissance à un monstre ? On pouvait
toujours plus ou moins craindre que la chose ne se reproduisît, et, si elle
attirait à elle cette sorte de mauvais esprits, ne pourraient-ils pas s’en
prendre à d’autres femmes, dans son voisinage ?
Le grand et bel homme se sentit tout à coup rougir. Ayla ne
considère pas son fils comme un monstre, se dit-il, mortifié. Il avait marqué
un mouvement de dégoût quand, pour la première fois, elle lui avait parlé de ce
fils, et elle en avait été furieuse. Jamais il ne l’avait vue dans cet état.
Mais son fils était son fils et elle ne ressentait visiblement aucune honte à
son propos. Elle a raison, Doni me l’a dit en rêve. Les Têtes Plates... le
Clan... sont des enfants de la Mère, eux aussi. Rydag, par exemple. Il possède
bien plus d’intelligence que je n’aurais cru en trouver chez un être comme lui.
Il est un peu différent des autres, mais c’est un être humain, et il attire l’affection.
Jondalar avait consacré au jeune garçon une partie de son temps.
Il avait découvert en lui de l’intelligence, de la maturité et jusqu’à un
certain sens de l’humour, particulièrement lorsqu’il était question de son
aspect différent ou de sa faiblesse. Il avait lu de l’adoration dans les yeux
de Rydag toutes les fois qu’il regardait Ayla. Celle-ci avait expliqué à
Jondalar que, chez ceux du Clan, les garçons de l’âge de Rydag étaient déjà
proches de l’âge viril. Peut-être aussi sa faiblesse l’avait-elle mûri plus
vite que les autres.
Elle a raison. Je sais qu’elle ne se trompe pas à leur sujet.
Mais si seulement elle pouvait ne pas parler d’eux. Ce serait tellement plus
facile. Mais que penserais-tu si quelqu’un venait te dire de ne plus songer aux
gens qui t’ont élevé, qui ont pris soin de toi ? Si elle n’a pas honte d’eux,
pourquoi ne pas faire comme elle ? L’épreuve, après tout, n’a pas été si
pénible. Frébec, de toute manière, est systématiquement désagréable. Mais elle
ignore la façon dont les gens peuvent se retourner contre vous et contre ceux
qui vous accompagnent.
Peut-être vaut-il mieux qu’elle ne le sache pas. Peut-être qu’il
n’arrivera rien. Elle a déjà réussi à faire parler presque tout le Camp comme
les Têtes Plates, y compris moi-même.
Après avoir constaté avec quelle ardeur presque tout le monde
désirait apprendre le moyen qui servait aux gens du Clan pour communiquer entre
eux, Jondalar avait assisté à quelques-unes des séances qui semblaient se tenir
à l’improviste toutes les fois que quelqu’un posait des questions. Il s’était
surpris à se prendre au jeu, à envoyer des signaux à distance, à faire des
plaisanteries silencieuses – en disant une chose, par exemple, et en
en exprimant une autre par signes derrière le dos de quelqu’un. La profondeur,
l’étendue de ce langage muet le surprenaient encore.
— Jondalar, tu es tout rouge. A quoi pouvais-tu bien
penser ? demanda Deegie d’un ton taquin, quand les deux jeunes femmes
atteignirent l’entrée.
La question le prit au dépourvu, lui rappela la honte qu’il
avait ressentie, et, dans son embarras, il rougit de plus belle.
— J’ai dû me
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