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Les cochons d'argent

Les cochons d'argent

Titel: Les cochons d'argent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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peines.
    Après trois voyages, je parvins à me faire poster dans une des carrioles en queue de cortège, de façon à observer ce qui arrivait une fois que nous avions quitté cette poignée de baraques où un fonctionnaire corrompu falsifiait les papiers. Au moment de tourner vers le nord pour longer la frontière, les deux dernières charrettes se décrochaient discrètement pour filer au sud. Il aurait pu paraître osé pour des voleurs d’emprunter cette route militaire, même si cette solide voie rapide donnait accès à toutes les criques de la côte sud. Sans doute les troupes laisseraient-elles passer, d’un simple geste amical, un convoi régulier passant semaine après semaine ; de toute manière, le déplacement de la deuxième Augusta plus au nord, à Glevum, signifiait clairement que cette portion de route n’était plus surveillée.
    J’avais retrouvé ma forme. Mon objectif était clair : m’attirer suffisamment de confiance pour me voir confier la conduite d’une des carrioles qui s’échappaient vers le sud. Il me fallait à tout prix connaître leur destination. En identifiant le port d’embarcation, nous pourrions retrouver le bateau qui transportait les cochons volés vers Rome, le vaisseau et l’armateur , qui devait être dans la conspiration.
    J’avais assez de bouteille pour peser les risques. Aurais-je le sang-froid nécessaire ? Après trois mois de travaux forcés et de brimades, sans parler du pire régime alimentaire de tout l’Empire, j’étais dans un état physique déplorable. Néanmoins, la perspective d’un nouveau défi peut accomplir des miracles. Avec une concentration retrouvée, je parvins à garder un calme impérial. J’oubliai cependant un détail : la chance « légendaire » de Didius Falco.
     
    Je me vis offrir une opportunité à la fin du mois de janvier. La moitié des gars étaient confinés aux baraques, feignant d’être malades, certains avec une telle efficacité qu’ils finirent par mourir. Ceux d’entre nous qui restaient sur pied se sentaient hagards, mais l’effort en valait la peine car les rations étaient accrues. Bouffer cette bouillie infâme était un calvaire, mais ça aidait à combattre le froid.
    Il y avait eu de faibles chutes de neige, et l’on s’interrogeait sur le maintien éventuel du convoi hebdomadaire. Mais le temps s’éclaircit, et l’on jugea que le plus dur de l’hiver restait à venir. On envoya donc une cargaison de dernière minute avec une équipe rassemblée au pied levé. Même le conducteur principal était un remplaçant. Je me suis retrouvé dans l’avant-dernière carriole. On ne m’a rien dit, mais je n’avais pas besoin qu’on me fasse un dessin.
    Nous sommes passés devant le fort. Un décurion désabusé, les yeux gonflés par la fièvre, sortit et signa notre bordereau. Nous partîmes.
    Il faisait tellement froid qu’on nous avait accordé des manteaux de gabardine munis de capuches pointues. Et même des moufles pour que nos mains engourdies ne lâchent pas les rênes. Sur les hauteurs, nous plissions les yeux, mâchoires serrées, pour affronter les bourrasques d’un vent cinglant qui déchirait nos vêtements, sous le ciel bas et plombé. Le sombre défilé de carrioles cheminait sur cette route déserte. Après avoir glissé dans un ravin où les mulets patinèrent sur la neige fondue, il fallut descendre des bêtes pour leur faire remonter la pente raide dans un vent hurlant. Nous avons parcouru des paysages gris où les cairns funéraires de rois oubliés se dressaient, menaçants, avant de disparaître à nouveau dans la bruine.
    Au moment de nous arrêter pour falsifier le bordereau, nous étions tous effroyablement gelés, esclaves et maîtres unis pour une fois dans la douleur. L’employé véreux eut toutes les peines du monde : il faisait trop sombre à l’intérieur, trop venteux devant la porte de son cabanon. L’attente parut durer une éternité. Nous nous tenions accroupis au pied des carrioles, misérablement recroquevillés derrière le moindre abri pour fuir ce vent. Nous avions mis deux fois plus de temps que d’habitude pour arriver jusque-là, et le ciel virait à un gris jaunâtre déprimant qui annonçait la neige.
    Le moment vint enfin de repartir. Plus que deux milles avant de tourner à la frontière. Le conducteur en chef m’adressa un clin d’œil. Le convoi s’ébranla. Avec une telle charge, le départ était toujours éprouvant pour les mulets ;

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