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Les cochons d'argent

Les cochons d'argent

Titel: Les cochons d'argent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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ce jour-là, avec la route dans un état déplorable, ils rechignaient davantage encore. Les miens glissaient sur leurs fers, sur cette neige fondue qui tournait au verglas quasiment à vue d’œil. Ils s’arc-boutaient frénétiquement. L’un des essieux de la carriole se coinça, gelé. Les roues arrière, bloquées, dérapèrent sur le côté, l’essieu craqua, la roue céda et un des coins de la carriole plongea brusquement. Les mulets se braquèrent en brayant. Je me levai – et me retrouvai aussitôt projeté vers la route. Ma cargaison dégringola dans un fossé et la carriole se coucha sur le flanc. Un des mulets s’était blessé si gravement qu’il fallut lui trancher la gorge, et l’autre s’était enfui après avoir rompu ses rênes.
    Allez savoir pourquoi, tous les autres me désignèrent comme responsable.
    On discuta longuement du sort de ma cargaison. La transporter vers Abona impliquait une nouvelle modification du bordereau, sans compter la difficulté du transport des lingots supplémentaires, cinq par carriole. De plus, j’avais quatre barres très spéciales : des cochons volés destinés à être vendus à des inconnus, des cochons contenant toujours leur argent. Certainement pas pour Abona. L’autre carriole destinée à gagner le sud ne pourrait jamais en porter huit. Après quantité d’arguments ineptes – ces incapables n’avaient pas vraiment l’habitude de prendre des décisions, alors dehors par une journée sombre et glaciale… – il fut décidé de laisser ma cargaison sur place et de la ramener incognito à Vebiodunum au retour.
    Je me portai volontaire pour demeurer auprès du précieux chargement.
     
    Après le départ des autres, un silence éprouvant s’installa. Quelques huttes indigènes servaient l’été à des bergers mais se trouvaient vides à cette époque. J’avais un gîte, mais en voyant le temps s’aggraver, je compris que mes compagnons risquaient d’être retardés. Je pouvais me retrouver coincé là sans vivres pendant un certain temps. La pluie arriva des plateaux, si fine qu’elle ne semblait pas tomber, mais me collait au visage ou sur les habits dès que je pointais le nez dehors. Pour la première fois depuis trois mois, je me trouvais parfaitement seul.
    — Ave, Marcus ! dis-je, comme pour accueillir un ami.
    Je demeurai là, pensif. Le moment pouvait paraître propice pour s’évader. Mais on m’avait laissé seul, précisément car ces plateaux restaient coupés de tout, au cœur de l’hiver. Quiconque aurait tenté de s’évader aurait été retrouvé mort au printemps, avec le bétail gelé et les moutons noyés. Avec un peu de chance je serais parvenu jusqu’aux Gorges, mais je n’y aurais rien trouvé.
    Et j’étais toujours curieux de savoir comment les lingots quittaient le pays.
    Les pluies cessèrent. Le froid empirait. Je décidai d’agir. Plié en deux, je saisis les lingots un par un et traversai tant bien que mal le fossé pour m’éloigner le plus possible de la route. Je creusai une cachette dans le sol. C’est alors que je remarquai qu’une seule des barres portait les quatre poinçons indiquant qu’elle conservait son argent. Triferus trompait les conspirateurs : on cherchait à acheter la garde prétorienne avec du plomb ! Je restai accroupi. Si les prétoriens l’apprenaient, les conspirateurs auraient quelques ennuis, et Vespasien n’aurait plus rien à craindre.
    J’enterrai les quatre barres. Je marquai l’endroit avec un monticule de pierres. Je décidai ensuite de regagner les mines à pied. Je me trouvais à huit milles, largement le temps de ruminer ma bêtise. Pour me donner du cœur, je parlai longuement à Festus. Ce qui n’aida pas vraiment : lui aussi me trouvait cinglé.
    Parler à un héros mort peut sembler étrange, mais Festus avait ce don de vous alléger le cœur quand vous lui parliez, même du temps de son vivant. Sous ce ciel chargé, traversant ce plateau sombre pour regagner volontairement un douloureux esclavage, je trouvais ma conversation avec Festus plus réelle que les vastes étendues autour de moi.
    Quelques heures plus tard, alors que j’approchais du but, je décidai de quitter la route pour couper un virage. Les routes romaines sont droites, sauf quand une bonne raison l’interdit. Et dans ce cas le virage avait sa raison d’être : éviter les galeries et les puits d’une mine désaffectée. Je me faufilai dans des fourrés qui m’arrivaient au torse

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