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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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plus juste. Et, néanmoins, elle dépassa les oiseaux et
tomba dans le lac.
    « Malheur à moi ! s’écria-t-il encore. C’en est
fait de ma prouesse et de ma valeur ! Jamais, jusqu’à présent, je n’avais
manqué un coup depuis que j’ai pris les armes. Il est certain que le mauvais sort
s’acharne sur moi ! »
    Alors, de dépit, il jeta sa fronde, prit son javelot et, d’un
coup très sec, le lança avec tant d’adresse contre les oiseaux qu’il traversa l’une
des ailes de chacun. Si bien que tous deux s’abattirent immédiatement sur le
lac qui les engloutit.
    Alors, Couhoulinn se sentit mal et, pris de faiblesse, faillit
tomber sur les rochers qui surplombaient les eaux. En titubant, il revint en
arrière et s’assit auprès d’un pilier auquel il s’adossa, en proie à mille
pensées affligeantes. Mais, bientôt, le sommeil s’empara de lui.
    Cependant, son esprit agitait tant de sombres pensées que, pendant
son sommeil, maints songes vinrent l’envahir, et tous ces songes lui
démontraient qu’il avait mal agi en attaquant les grands oiseaux blancs qui, après
avoir survolé le lac, s’y étaient engloutis. Au cours d’un de ces songes, il
vit deux femmes venir à lui, l’une vêtue d’un manteau vert, l’autre d’un
manteau plus long, de couleur pourpre et à cinq plis. La femme au manteau vert
l’aborda et, avec un large sourire aux lèvres, se mit à le frapper sauvagement
d’une cravache dont la morsure était cuisante. Quand elle eut fini, elle donna
la cravache à sa compagne au manteau pourpre, et cette dernière, à son tour, le
fouetta de si belle manière qu’il se sentit, dans tout son corps, blessé et
meurtri. Ensuite, la première recommença, puis la seconde la relaya. Et elles
le fustigèrent, chacune à son tour, d’une manière si douloureuse qu’il ne
réprimait qu’à grand-peine ses hurlements.
    Enfin, les deux femmes, sur un grand éclat de rire, s’évanouirent.
Et Couhoulinn demeura immobile à la même place, les yeux fermés.
    En le voyant dans cet état, les Ulates vinrent l’entourer, fort
alarmés qu’il demeurât dans cette posture plus proche de la mort que de la vie.
    « Il faut le réveiller, dirent-ils, car, s’il reste
ainsi, il va perdre toute valeur et toute force. – Non pas ! s’écria le
druide Sencha. Gardons-nous de déranger les visions qu’il peut avoir dans son
sommeil. »
    Ils le laissèrent donc ainsi pendant un jour et une nuit. À
la fin du deuxième jour, enfin, ils constatèrent qu’il s’agitait.
    « Que t’est-il arrivé, ô Couhoulinn ? » lui
demandèrent-ils.
    Mais il se montra d’abord incapable de répondre et ce n’est
qu’au terme d’un long silence qu’il parvint toutefois à articuler :
    « Qu’on me porte jusqu’à mon lit de malade, mais à Teté
Brecé, dans la forteresse d’Émain Macha, près de la maison de la Branche Rouge.
Je ne veux pas que l’on m’amène à la forteresse d’Imrith, où se trouvent
Amorgen et Delbchaem, mes parents adoptifs. Je ne veux pas non plus que l’on me
transporte à Dun Dealgan, car, dans mon état, je ne supporterais pas de me
retrouver chez moi. – Sois sans crainte, lui répondit-on. Nous ne te conduirons
pas plus chez tes parents adoptifs qu’à ta forteresse de Dun Dealgan, chez Émer,
fille de Forgall le Rusé. Nous t’escorterons à Émain Macha, près de la maison
royale de Conor, et nous te préparerons un lit de malade là où tu as choisi d’aller. »
    Alors, les Ulates l’emportèrent sur un char jusqu’à la
maison de Teté Brecé où ils lui préparèrent un lit pour lui permettre de se
reposer et de guérir de sa langueur.
    Et, de fait, il y demeura une année entière, sans adresser
la moindre parole à quiconque.
    Or, à la fin de l’année, quelques jours avant la fête de Samain , les Ulates se trouvaient à son chevet, Loegairé entre
lui et la cloison, Conall Cernach entre lui et le bois du lit, Lugaid le Blond,
un de ses fils adoptifs, entre lui et l’oreiller, et Émer à ses pieds, lorsqu’un
homme entra dans la maison et, venant vers eux, les dévisagea tous avant de s’asseoir
en face du lit où gisait Couhoulinn.
    « Qu’est-ce qui t’amène ici ? lui demanda Conall
Cernach. – Ce n’est pas difficile, répondit le nouveau venu. Si l’homme qui
repose sur ce lit était en bonne santé, il protégerait tous les Ulates. Mais il
est faible et malade. Que devient donc la protection qu’il vous doit ?

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