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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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désirait
en guise de cadeaux. Mais Athirne n’exigea, sous peine d’infamie, rien d’autre
que de dormir en compagnie de la femme du roi dès la nuit suivante. Et il
fallut en passer par-là, sans quoi l’honneur de Tigernach et l’honneur de son
peuple eussent été pour jamais ternis.
    Sur ce, Athirne quitta les terres de Tigernach et se dirigea
vers le Leinster. Dès qu’ils eurent appris l’arrivée de l’importun d’Ulster, les
hommes du pays vinrent à sa rencontre et lui offrirent tout ce qu’il désirait
de joyaux et de richesses, dans l’espoir qu’il n’irait pas plus avant et leur
épargnerait ses sortilèges. Car ils savaient tous que s’il ne recevait nul don,
il les priverait de toute nourriture et de tous biens, et ce par pure vilenie.
    Or, en s’entendant proposer toutes les richesses possibles, Athirne
se mit en tête de leur demander quelque chose de si impossible que l’injure
serait certaine et forcerait les Ulates à s’employer pour jamais à le venger. Aussi
prétendit-il ne rien voir, en fait de trésors et de richesses, qu’il pût leur
demander, hormis une broche précieuse cachée sur la colline de Brestine. Il
ajouta que nul ne savait où elle se trouvait, mais que s’ils ne la lui
donnaient pas, il lancerait sur eux une incantation si déshonorante qu’ils n’oseraient
jamais plus lever la tête devant les Gaëls.
    Les hommes de Leinster ressentirent sa requête comme un
affreux outrage et un grand malheur, car ils eurent beau fouiller la colline, ils
n’y découvrirent pas le bijou qu’exigeait Athirne. Alors, dans leur désespoir, ils
implorèrent le Seigneur des Éléments [95] de venir à leur secours et de les soustraire au sortilège dont le poète les
menaçait.
    Au même moment apparut, au sommet de la colline de Brestine,
un cavalier qui conduisit son cheval au-devant des hommes de Leinster. L’animal
s’ébroua longuement et, piaffant d’impatience, décocha maintes ruades qui
faisaient voler la terre et l’herbe autour de lui. Mais nul n’y prit garde, avant
qu’une motte ainsi arrachée n’allât souiller la poitrine du roi Fergus Fairgé. Or,
en s’essuyant d’un geste agacé, celui-ci sentit sa main gênée par un objet et, à
sa stupeur, il aperçut la broche.
    « Ô Athirne ! s’écria-t-il. Regarde donc ce que je
trouve sur ma poitrine. N’est-ce pas la broche que tu demandais ? – Certes,
répondit Athirne, il s’agit bien d’elle. L’un des frères que j’ai du côté de
mon père l’avait enterrée sur la colline de Brestine après une grande bataille
qui opposa les Ulates aux gens d’ici. »
    On lui remit donc la broche, et il s’en alla plus loin, dans
la maison du roi Mesgegra. Celui-ci avait un frère, Mesroida, et tous deux
étaient issus d’un père et d’une mère sourds et muets. Quand il apprit l’arrivée
du poète, le roi Mesgegra eut beau n’en être guère satisfait, néanmoins, il
vint à sa rencontre et lui souhaita la bienvenue.
    « J’accepte ton accueil et ta bienvenue, repartit Athirne,
mais à la condition que ta femme passe la nuit avec moi. – Et pour quelle
raison devrais-je te donner ma femme, cette nuit ? demanda le roi Mesgegra.
– Ce n’est pas difficile : pour sauver ton honneur et celui de ton peuple.
Car tu peux me tuer mais, si tu me tues, les Ulates seront obligés de me venger,
et le déshonneur retombera sur toi. – Ne me parle pas des Ulates, dit Mesgegra,
ce n’est pas d’eux qu’il est question. Tu auras ma femme, puisqu’il s’agit de
sauver mon honneur. Tu sais cependant qu’il n’est pas dans tout l’Ulster un
seul homme qui oserait la prendre. – Je te l’accorde, ricana Athirne, aucun
homme de mon peuple n’aurait l’audace de te la prendre. Moi, si, et rien ne m’empêchera
d’y prétendre. – Il en sera donc selon ton désir, et tu seras bienvenue dans
mon pays, ô Athirne, quelles que soient les conséquences qui découleront de ton
acte. »
    Et, de fait, la femme du roi Mesgegra, Buan, dormit cette
nuit-là avec le poète Athirne, l’importun d’Ulster.
    Mais celui-ci ne se contenta pas de si peu. Car au cours du
circuit bardique qu’il accomplit pendant un an en Leinster, il choisit trois
fois cinquante reines d’entre les femmes des princes et des nobles de la
province de Leinster, dans le but de les ramener en Ulster.
    À la fin de l’année, Mesgegra appela l’un de ses serviteurs.
    « Mon garçon, lui dit-il, va trouver les Ulates de

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