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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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réussi les plus hauts
furent grandement félicités.
    Quand les femmes virent cela, elles se dirent qu’elles pourraient
elles aussi jouer, et voici le jeu qu’elles imaginèrent :
    « Montons chacune au sommet d’un pilier et faisons-y
notre eau pour savoir laquelle pénétrera le plus loin. Celle-là dont l’eau ira
le plus loin sera déclarée la meilleure d’entre nous et la plus digne d’être
aimée [155] . »
    Elles escaladèrent donc les piliers et firent leur eau sur
la neige, mais aucune d’entre elles ne réussit à y faire pénétrer la sienne. Dépitées,
elles hélèrent Derbforgaille qui était restée dans sa maison et la prièrent d’essayer
à son tour.
    Derbforgaille les rejoignit et, bien qu’elle trouvât leur
jeu stupide, l’obligation de relever le défi la fit monter sur un pilier et y
décharger son eau. Or, celle-ci pénétra si bien la neige durcie qu’elle finit
par se répandre jusqu’au sol. Mais, au lieu de se réjouir et de la féliciter, les
autres femmes furent mordues d’une profonde jalousie.
    « Eh bien, si les hommes apprennent cela, dirent-elles,
aucune d’entre nous ne sera aimée et recherchée autant que celle-ci ! Occupons-nous
donc de ses yeux, de son nez, de ses oreilles et de ses cheveux de telle
manière qu’elle ne soit plus du tout désirable… »
    Et, joignant le geste à la parole, elles entraînèrent la
malheureuse et ne cessèrent de la torturer qu’elles ne l’eussent défigurée. Puis
elles la reconduisirent dans sa maison où elle s’enferma.
    Pendant ce temps, sur un tertre voisin d’Émain Macha, les
hommes d’Ulster étaient rassemblés. Parmi eux se trouvaient Lugaid et
Couhoulinn, et ce dernier scrutait la plaine qui s’étendait autour d’eux.
    « Ô Lugaid, dit-il tout à coup, n’est-il pas étrange
que tant de neige se soit accumulée sur la demeure de Derbforgaille ? – Si,
répondit Lugaid, c’est signe de mort. »
    Alors, ils coururent tous deux d’un même pas jusque chez la
jeune femme. Mais elle, en les entendant, se garda bien de répondre à leurs
appels, de peur que quiconque vît son état.
    « Ouvre la porte ! lui cria Couhoulinn. – Charmante
était la fleur qui poussait dans la prairie lorsque nous nous rencontrâmes »,
répondit-elle.
    Et elle chanta un chant si triste que Couhoulinn se rua sur
la porte et la fit voler en éclats. Lugaid et lui entrèrent dans la maison, et
l’on dit que l’âme de Derbforgaille la quitta au même moment. On raconte aussi
qu’au seul aspect de sa femme, Lugaid mourut de douleur et de chagrin.
    Mais Couhoulinn, lui, se précipita vers la maison des femmes
et, saisi d’une fureur meurtrière, fit si bien s’effondrer le toit sur elles
que personne ne put en réchapper. Il y avait trois fois cinquante reines dans
cette maison, mais il les tua toutes pour venger l’injustice qu’elles avaient
commise envers Derbforgaille. Puis il creusa une tombe pour Lugaid et
Derbforgaille, rassembla des pierres pour former un tertre et éleva un pilier
sur lequel il grava une inscription afin de perpétuer leur mémoire [156] .
    Après cela, Couhoulinn quitta les Ulates et, navré d’avoir
perdu Lugaid aux ceintures rouges, son fils adoptif, se retira dans sa forteresse
d’Imrith et ne parla plus à personne de plusieurs semaines. Or, une nuit qu’il
dormait, il entendit un cri qui le réveilla, un cri qui venait du nord, un cri
horrible, terrifiant, et il sauta si brutalement à bas de son lit qu’il tomba
sur le sol comme une masse.
    « As-tu entendu ce cri ? demanda-t-il à Loeg, son
cocher. – Oui, petit chien, répondit Loeg. C’était un cri qui venait de bien
loin, du côté du nord, mais j’ignore ce qu’il signifiait. – Partons à la
recherche de celui qui a crié », dit Couhoulinn.
    Une fois attelés au char ses deux chevaux, le Gris de Macha
et le Noir de la Vallée sans pareille, les deux hommes s’élancèrent donc en
direction du nord et arrivés près du gué de Ferta, ils perçurent le fracas d’un
char roulant sur des cailloux.
    Poursuivant dès lors leur quête en longeant la rivière, ils
virent bientôt devant eux un char attelé à un seul cheval, de couleur rouge, qui
n’avait qu’une patte, et que la flèche du char traversait de part en part, si
bien que sa pointe de bois lui ressortait par la base du front. Et une femme
tenait les rênes, qui, vêtue d’un manteau rouge, avait des sourcils rouges. Quant
au manteau, il était si

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