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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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d’Afra, mais, dès qu’il posait une question, la nonne interrogée haussait les épaules et levait les yeux vers le ciel.
    Si personne ne s’était préoccupé dans les premiers temps de l’exécution du triptyque, les travaux d’achèvement intéressaient désormais vivement les nonnes. Le matin après tierce, et en début d’après-midi après prime, les nonnes apparaissaient en petits groupes dans le magasin où le peintre apportait les dernières retouches à sa sainte Cécile.
    Subjuguées par la vie émanant de ce corps radieux, certaines tombaient à genoux devant le tableau, d’autres, saisies d’une profonde émotion, fondaient en larmes.
    Vers la mi-novembre, alors que les premières gelées annonçaient déjà l’hiver, la construction de l’abbatiale tirait à sa fin. La toiture pointue était terminée et les échafaudages extérieurs démontés.
    L’intérieur, traité dans les tons gris et roses avec sa très haute voûte en ogive, s’illuminait d’une étrange lumière quand, par moments, le soleil filtrait à travers les vitraux.
    Lorsqu’Alto von Brabant installa le triptyque de sainte Cécile au-dessus du maître-autel, les nonnes se pâmèrent. Lui-même, du reste, était béat d’admiration devant cette Cécile en qui il ne voyait qu’Afra.
    Les nonnes ne s’extasièrent pas sur le portrait de la sainte patronne de l’abbaye, mais sur celui d’Afra qui s’était évanouie dans les airs ou était montée au ciel, comme la Vierge Marie.
    Le jour de la consécration de l’église, le vingt-deux novembre, les nonnes avaient fait un grand ménage dans l’abbaye. Des bannières rouges flottaient à chaque fenêtre. En guise de décoration, elles avaient installé, de part et d’autre des portes, des sapins coupés dans la forêt. Vers dix heures, une voiture tirée par six chevaux, suivie de cavaliers portant des oriflammes rouges et blanches ainsi que de sept voitures à bâche, pénétrèrent dans la cour intérieure de l’abbaye.
    Les nonnes attendaient, rassemblées en arc de cercle, l’abbesse trônant au centre. Avant même que la voiture ornée d’armoiries et d’ornements rouges s’immobilise, un laquais portant une élégante livrée sauta de la banquette du cocher et se précipita pour ouvrir la porte et déplier le marchepied.
    Un homme corpulent baissa la tête pour sortir par la portière : l’évêque Anselme d’Augsbourg.
    Les nonnes firent une génuflexion et se signèrent lorsque le digne personnage, vêtu d’une cape lamée or par-dessus sa tenue de voyage pourpre écarlate, descendit de la voiture. Conformément à l’usage, l’abbesse baisa l’anneau de cet invité de marque et lui souhaita la bienvenue. Un événement de cette importance rompant la monotonie et le silence de la vie monastique prenait une dimension exceptionnelle, dépassant largement l’agréable divertissement.
    L’observance du silence était levée pour une journée et la frugale collation – véritable cause de la silhouette famélique de la plupart des nonnes soumises au même régime que le peuple des indigents – n’était pas de mise ce jour-là.
    Les religieuses avaient préparé, en l’honneur de s on é minence et de sa suite, un festin digne des circonstances extraordinaires. Le menu était de saison : petit gibier de plaine et gros gibier des forêts avoisinantes, harengs, fritures de rivière, truites fraîchement pêchées, légumes et herbes du potager situé à l’extérieur des murailles et succulentes pâtisseries, dont le parfum embaumait toute la cour de l’abbaye. Le tout arrosé de bière évidemment, mais surtout de vin provenant de la région du lac de Constance.
    Que de tentations pour des nonnes prêtes à verser dans le péché !
    Le chœur des religieuses entonna d’une voix aigrelette l’alléluia tandis que l’évêque et sa suite de chanoines, de doyens, de membres du chapitre, de bénéficiers et de prieurs revêtaient leurs ornements de cérémonie et s’apprêtaient à former le cortège. Lorsque l’évêque pénétra à l’intérieur de l’édifice, il y régnait encore une odeur d’enduit et de peinture fraîche mêlée à celle de la cire chaude et de l’encens. Anselme promenait un regard satisfait sur la nouvelle abbatiale lorsque, subitement, il s’immobilisa et, par la même occasion, la procession à sa suite. Il venait de découvrir le retable de sainte Cécile, dont il ne détachait pas les yeux. L’ensemble du

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