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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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garantir le vivre et le couvert durant au moins une année. Il eut un souvenir ému pour Afra à qui il devait cette promotion. Cela faisait déjà des semaines qu’elle l’attendait à Ulm. Il hésitait.
    — Oh, je vois ! dit en réfléchissant l’évêque qui venait de remarquer les tergiversations du peintre. Nous n’avons pas encore parlé de ta rétribution. Tu ne travailles certainement pas pour les beaux yeux du petit Jésus. Maître Alto, je te propose une centaine de florins. À la condition que tu commences sur-le-champ.
    — Cent florins ?
    — Par tableau, évidemment. Ce qui fera, pour une douzaine de saintes, mille deux cents florins. Affaire conclue ?
    Alto accepta humblement. On ne lui avait jamais proposé d’émoluments aussi considérables. Cette grosse somme lui permettrait à l’avenir de ne plus accepter n’importe quelle commande.
    Finie, par exemple, la réalisation de fresques qui, pour quelqu’un que la nature avait affligé d’une bosse, représentait un travail pénible et douloureux.
    — Il faut cependant, poursuivit Alto embarrassé, que j’aille à Ulm régler quelques affaires. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, é minence, je me présenterai chez vous dans une quinzaine de jours.
    — Dans une quinzaine de jours ? Eh le peintre ! Aurais-tu perdu la tête ? répliqua l’évêque d’une voix forte. Je te confie un travail lucratif, et tu me réponds que tu vas passer me voir dans deux semaines ! é coute-moi bien, misérable barbouilleur, si tu ne viens pas immédiatement avec moi, je me passerai de toi. Je trouverai quelqu’un d’autre pour exécuter ma galerie de portraits. Demain matin, au septième coup de cloche, nous levons le camp. Il y a une place dans la dernière voiture du convoi. Tu as la nuit pour réfléchir.
    Pour Alto von Brabant, c’était tout réfléchi.
    2

Toujours plus haut vers le ciel
    —  Afra, la petite friture, la petite friture ! criaient les g amins des rues en la voyant se rendre au marché, le visage souriant et les bras chargés de corbeilles remplies de poissons.
    Ces garçons n’avaient pas la langue dans la poche. l a population d’Ulm redoutait leurs boutades, qui n’étaient pas toujours du meilleur goût.
    Depuis qu’Afra s’était enfuie de la ferme du bailli, Melchior von Rabenstein, six années s’étaient écoulées. Elle avait cherché à oublier les circonstances de cette tragédie et l’affreux drame qu’elle avait vécu. Lorsque parfois les remords la torturaient, elle essayait de se convaincre que le viol du bailli, la naissance de son enfant qu’elle avait abandonné dans la forêt et sa fuite à travers bois, n’avaient été qu’une suite de mauvais rêves. Elle voulait même oublier son bref séjour à l’abbaye, qui ne lui rappelait que la bigoterie, la malveillance et la méchanceté des nonnes.
    Le hasard avait voulu que le pêcheur Bernward, marié à la sœur d’Alto von Brabant, cherchât quelqu’un pour les soulager, lui et sa femme, d’une partie de leur travail. Quelques jours suffirent à Bernward pour comprendre qu’Afra était active à l’ouvrage. Dans les premiers temps, elle avait attendu Alto mais, au bout de six semaines, ne le voyant pas réapparaître, il lui était sorti progressivement de l’esprit. Agnès, la femme de Bernward, connaissant bien le bossu, disait qu’on ne pouvait pas compter sur lui. c ’était un artiste qui avait, en revanche, d’autres qualités.
    Bernward et sa femme habitaient une petite maison à colombages aux confluents de la Blau et du Danube. La façade, côté rivière, était flanquée d’un petit balcon en bois à chacun des trois étages.
    Le grenier sous le faîtage pointu servait de sécherie pour les poissons fumés. Il ne fallait pas être incommodé par l’odeur du poisson pour vivre ici. Sur l’autre façade, côté rue, il y avait au-dessus de la porte d’entrée une enseigne peinte en bleu où figuraient deux brochets formant une croix. La plupart du temps, quatre nasses carrées séchaient devant la maison.
    Les gens qui vivaient dans le quartier des pêcheurs ne faisaient bien entendu pas partie de la société aisée de la ville – la richesse se concentrait dans les milieux de joailliers, de tisserands et de négociants.
    Bernward n’était pas pauvre pour autant. À quarante ans, il avait encore fière allure avec ses cheveux mi-longs et ses sourcils touffus et foncés.
    Les jours de fêtes, le pêcheur

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