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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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certifié authentique !
    Afra écarta son assiette, écœurée, à l’instant où Alpert le charretier et son valet Jörg entraient dans la salle enfumée.
    — Prenez place quelque part ! leur lança l’aubergiste en les poussant l’un après l’autre vers les endroits encore libres. Alpert s’assit à côté du marchand de reliques. Lorsqu’il découvrit les reliques humaines devant son assiette, il fit une grimace :
    — Voilà donc ce qu’on nous sert ici ?
    Tous se tordirent de rire et se tapèrent sur les cuisses, sauf le marchand de reliques, imperturbable, qui leur jeta des regards noirs. Le sang lui monta à la tête, on eût dit qu’elle allait exploser. L’homme ajouta alors d’une voix irascible et étouffée :
    — Il s’agit exclusivement de reliques de grands saints dont l’authenticité a été attestée par des évêques et des cardinaux patentés.
    — Combien demandez-vous pour l’oreille de sainte Ursule ? demanda le marchand d’objets liturgiques.
    — Cinquante florins, pour vous servir.
    L’aubergiste, qui regardait par-dessus son épaule, n’en croyait pas ses oreilles :
    — Cinquante florins pour une oreille racornie ! Une oreille de cochon toute fraîche coûte chez moi deux sous, préparée au dernier moment et garnie de chou ! Je me charge en sus de l’expertise.
    L’aubergiste avait gagné d’un coup la sympathie de ses hôtes, tandis que le marchand déconfit rangeait ses précieuses mais répugnantes reliques dans sa mallette.
    Le marchand de masques vénitiens chuchota, en dissimulant sa bouche derrière sa main, quelques mots au libraire de Bamberg :
    — Chez nous en Lombardie, des familles entières vivent de ce commerce, elles enterrent leurs vieux dans une terre calcaire pour les déterrer un an plus tard. Puis leurs os sont séchés dans un four pour être ensuite vendus comme des reliques. Les évêques prêts à attester leur authenticité en échange d’argent courent les rues.
    Le libraire secoua la tête.
    — Quand donc cesseront toutes ces bêtises ?
    — Il faudra attendre le Jugement dernier, lança maître Ulrich, nouant ainsi la conversation avec le libraire. Vous disiez que l’époque n’était pas propice à la vente de livres. Je ne suis pas de cet avis. La peste et le choléra ont fortement décimé les communautés des abbayes ; la plupart des scriptorium manquent de copistes. Tandis que votre principal client, la noblesse, a beaucoup moins souffert des calamités qui ont accablé l’humanité.
    — C’est juste, répondit le libraire, mais la noblesse souffre encore du contrecoup des croisades. Elle a perdu la moitié de ses gens et, contrairement à autrefois, l’argent ne coule plus à flots entre les mains des nobles. L’avenir n’appartient plus à la noblesse terrienne mais aux commerçants des villes. Vous trouverez à Nuremberg, Augsbourg, Francfort, Mayence et Ulm des marchands si riches qu’ils pourraient s’offrir un empire. Hélas, très peu parmi eux savent lire et écrire. Cette évolution n’arrange pas mes affaires.
    — Et vous n’espérez pas que la situation puisse changer ?
    Le libraire haussa les épaules :
    — Je dois avouer que les livres sont très coûteux. Pour copier les mille pages d’une Bible, un moine consciencieux met trois ans. Quand bien même vous ne lui donneriez que sa nourriture quotidienne et une bure neuve par an, l’encre et le parchemin coûtent cher. Quand j’achète ce genre d’ouvrage pour deux florins, je dois m’estimer satisfait.
    Ulrich von Ensingen restait songeur.
    — Il ne vous reste plus qu’à devenir magicien pour multiplier un exemplaire par dix, peut-être par cent, sans utiliser de plume.
    — Seigneur, vous êtes un rêveur et un utopiste.
    — C’est exact, mais il n’y a pas de grande découverte sans utopie. Où vous rendez-vous ?
    — Chez l’archevêque de Mayence, l’un de mes meilleurs clients. Mais auparavant, je rendrai visite au comte de Württemberg. Il possède une fabuleuse bibliothèque qu’il n’a de cesse d’enrichir. Grâce à lui, beaucoup de gens comme moi réussissent à vivre.
    — Le comte Eberhard de Württemberg ? intervint Afra avec un air étonné.
    — Vous le connaissez ?
    — Oui, enfin non, c’est-à-dire que… Afra était complètement bouleversée. Mon père fut le bibliothécaire du comte de Württemberg.
    — Vraiment ! s’étonna à son tour le libraire. Maître

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