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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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année, elle ne côtoya aucun homme hormis le curé. Soit dit entre nous, elle était belle avec ses yeux bruns et son nez délicat. À la suite d’une altercation avec l’abbesse, elle quitta l’abbaye sans avoir prononcé de vœux perpétuels. Elle avait appris à lire et à écrire et connaissait suffisamment de latin pour lire le Nouveau Testament. Mais elle faisait preuve d’une terrible maladresse dans ses relations avec les autres, et en particulier avec les hommes. Elle a ensuite vécu ici et là de petits travaux, sans y trouver son épanouissement. Quand je l’ai rencontrée, je fus immédiatement et étrangement attiré par sa beauté et sa discrétion. J’étais jeune, je peux le dire aujourd’hui, trop jeune. Je n’ai vu dans sa crainte du monde et des hommes que la manifestation d’une sensibilité féminine exacerbée. Lorsque je l’ai embrassée pour la première fois, elle m’a demandé si nous aurions un garçon ou une fille. Il m’a fallu force persuasion pour la convaincre que les choses ne se passaient pas ainsi. Quand elle a pris conscience des réalités, Griseldis s’est radicalement transformée. Je l’ai épousée, persuadé que j’allais pouvoir la faire évoluer. Peu après la naissance de notre fils, elle a pris en horreur toute relation physique. Une nuit, j’ai échappé de justesse à un couteau qu’elle avait dissimulé sous notre lit pour attenter à ma vie. Elle m’a avoué avoir eu l’intention de me castrer. Elle voulait jeter mes attributs en pâture aux cochons. À cette époque, je croyais encore pouvoir lui faire oublier le traumatisme de la naissance et la ramener au bon sens, mais il advint exactement le contraire. Griseldis passait désormais le plus clair de son temps chez les clarisses. J’imaginais qu’elle y priait. Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris ce qui se passait derrière les murs du couvent : les femmes s’adonnaient entre elles au plaisir de la chair.
    Afra se tourna vers Ulrich sans le regarder :
    — Tu dois avoir énormément souffert, dit-elle dans l’obscurité.
    — Le pire pour moi fut de sauver les apparences. Un architecte, dont la femme tente de l’émasculer et se commet dans un couvent avec des femmes, ne jouit pas des conditions idéales pour inspirer la considération et le respect qui lui sont naturellement dus. Quand bien même la cathédrale qu’il érige serait si haute et si extraordinaire !
    — Et Mathheus, ton fils ? é tait-il au courant pour sa mère ?
    — Non, je ne crois pas. Sinon, il ne m’aurait pas rendu responsable des dissensions minant notre couple. Tu es la première à qui j’en parle.
    Afra chercha doucement, à tâtons dans le noir, le visage d’Ulrich qu’elle finit par trouver. Elle le prit dans ses mains et l’attira à elle pour l’embrasser.
    l es cris du veilleur de nuit annonçant minuit retentirent dans le lointain. La voix psalmodiée et monotone répétait : « Veillez au repos de chacun ! é teignez feux et chandelles. »
    Le brouillard matinal n’invitait pas à poursuivre le voyage. Les premiers givres s’accrochaient aux ardoises des maisons et aux branches mortes des arbres. En jetant un œil par la fenêtre, ils constatèrent qu’il était déjà tard. Le charretier attelait les chevaux.
    — Pressez-vous ! cria l’homme à Afra lorsqu’il aperçut son visage à travers la fenêtre. n ous avons une longue route devant nous aujourd’hui.
    Afra et Ulrich burent une tasse de lait chaud dans la salle de l’auberge et mangèrent du pain et du lard.
    — Où est le libraire ? demanda Afra à l’aubergiste, qui éclata de rire.
    — Il était le premier à partir. Femme, vous auriez dû vous lever plus tôt !
    Afra fit une moue déçue. Elle n’avait cessé pendant la nuit de ressasser toutes sortes de questions qu’elle aurait aimé lui poser.
    — Savez-vous où il se rend et d’où il vient ? Quel est son nom ? insista-t-elle.
    — Pas la moindre idée. Je ne connais pas plus son nom que le vôtre. Pourquoi ne le lui avez-vous pas demandé vous-même ?
    Afra haussa les épaules.
    — Et vous-mêmes, dans quelle direction allez-vous ?
    — Vers l’ouest, sur le Rhin, intervint Ulrich, devançant Afra.
    — En traversant la Forêt Noire ?
    — Oui, je pense.
    — Vous n’avez pas choisi la meilleure saison. L’année tire à sa fin. Les gelées et la neige peuvent arriver sans prévenir.
    — Il ne faut pas exagérer tout de

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