Les conquérants de l'île verte
élevée avec soin par Étar à Inber
Cichmaine, où l’entouraient cinquante filles de chefs. Étar les nourrissait et
habillait celles-ci pour qu’elles pussent constamment veiller sur Étaine.
Celle-ci grandissait en sagesse et beauté et tous les hommes d’Ulster vantaient
ses mérites et son charme.
Un jour, alors que les jeunes filles se baignaient dans
l’estuaire, elles aperçurent un cavalier qui, sortant de l’eau, se dirigeait
vers elles. Il montait un cheval brun très agile, puissant, large, à la
crinière et à la queue frisées. Il était enveloppé d’un manteau vert dont les
vastes plis, rehaussés d’une broche en or, laissaient deviner une chemise des
plus fines ornée de broderies rouges. Il tenait à la main une lance à cinq
pointes et entièrement cerclée d’or, et un bouclier d’argent bordé d’or était
pendu à son épaule. Un bandeau lui ceignait le front, pour empêcher sa
chevelure blonde de lui retomber sur le visage. Il s’arrêta devant les jeunes
filles et leur chanta un chant étrange qu’elles ne comprirent pas. Mais toutes
furent émues par la beauté du cavalier et elles en devinrent amoureuses.
Pourtant, il les quitta. Elles ne surent ni d’où il était venu ni où il était
allé, mais il s’agissait de Mider, venu de Bri Leith pour contempler Étaine,
car il ne l’avait jamais oubliée et l’aimait avec autant de passion
qu’autrefois.
À cette époque, le roi suprême d’Irlande était Éochaid
Airem, fils de Finn. Or, l’année qui suivit son accession à la royauté, il fit
annoncer partout en Irlande qu’à Tara se tiendrait un festin lors de la fête de Samain : tous les nobles et les rois des Fils de
Milé étaient tenus d’y assister, car en cette occasion seraient discutées les
grandes affaires et fixés les impôts que chacun devrait payer au roi suprême.
Mais les hommes d’Irlande répondirent qu’ils n’iraient pas au festin de Tara
aussi longtemps que les y convoquerait un roi sans épouse digne de lui. Car Éochaid
Airem n’était pas marié, et il n’y avait pourtant pas de chef ou de noble en
Irlande qui n’honorât le festin de Tara sans une femme à ses côtés. Éochaid
envoya donc ses serviteurs et ses messagers dans toutes les provinces en quête
d’une femme qui fût digne d’un roi suprême. Quand ils revinrent, ils lui dirent
qu’ils en avaient trouvé une qui répondait exactement à ses vœux : Étaine,
fille d’Étar, en Ulster.
Éochaid Airem se rendit lui-même au lieu qu’on lui avait
indiqué dans l’espoir de rencontrer la jeune fille. Il passait dans une vallée
verdoyante quand il vit une fille au bord d’une fontaine. Munie d’un peigne
d’argent magnifique que relevaient des ornements d’or, elle se lavait dans un
bassin d’argent sur les bords duquel se trouvaient quatre oiseaux d’or et de
pierres précieuses. Elle était vêtue d’un beau manteau brodé de pourpre claire,
où luisaient des broches d’argent, et une épingle d’or brillait sur sa
poitrine. Une longue chemise de soie verte bordée d’or rouge et agrafée d’or et
d’argent lui drapait le corps, et le soleil qui la moirait y jetait des éclats
splendides. Deux tresses belles comme l’or lui ceignaient la tête, et quatre
fermoirs les maintenaient de chaque côté, tandis qu’une perle d’or étincelait
au sommet de chacune.
La jeune fille, au même instant, dénoua ses cheveux pour les
laver et, les prenant à deux mains, les fit retomber jusque sur son sein. Ses
mains étaient plus blanches que la neige d’une nuit et ses joues plus rouges
qu’une digitale pourpre. Elle avait une bouche fine et régulière, des dents
brillantes comme des perles. Plus gris que jacinthe étaient ses yeux. Rouges et
fines étaient ses lèvres, légères et douces ses épaules, tendres, doux et
blancs ses bras. Ses doigts étaient longs, minces et blancs. Elle avait de
beaux ongles rouge pâle. Son flanc était féerique, plus blanc que neige ou
qu’écume de mer. Ses cuisses étaient tendres et blanches, ses mollets étroits
et vifs, ses pieds fins, délicats et blancs ; sains et riches étaient ses
talons, et très blancs et ronds ses genoux.
Éochaid Airem fut émerveillé d’une si parfaite harmonie. Il
s’approcha de la jeune fille et la salua. Elle répondit à son salut. Sur ce, il
lui demanda qui elle était, et elle répondit qu’elle était Étaine, fille d’Étar,
champion d’Ulster.
« Jeune fille, veux-tu
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