Les conquérants de l'île verte
pas ! lui dit-il, de
peur qu’Elcmar ne descende et s’en mêle aussi. Elcmar n’est pas bien disposé
envers toi depuis que tu l’as chassé de la Brug. C’est moi qui irai calmer ces
jeunes fous. »
Il se rendit donc auprès des querelleurs et tenta de les
apaiser, mais ce n’était guère facile et, au milieu de la confusion ambiante,
l’un d’eux lança une pointe de coudrier sur Mider, ce qui lui arracha un œil.
Alors, Mider revint vers Angus, avec son œil au creux de la main, et il était
triste et furieux tout à la fois.
« Je voudrais n’être jamais venu te rendre
visite ! s’écria-t-il, et je me repens de mon voyage, puisqu’il m’a valu
cette humiliation. Quant à ma blessure, elle m’empêche désormais de voir le
pays dans lequel je me trouve, et je ne suis pas sûr de pouvoir revenir dans le
mien… – Tes paroles sont injustes, ô Mider, répondit Angus, et elles
m’affligent infiniment. J’irai prier Diancecht de venir te soigner. Il saura te
guérir, et tu verras à nouveau ce pays aussi nettement que tu verras le
tien. »
Là-dessus, le Mac Oc se hâta d’aller trouver Diancecht et
lui dit ce qu’il attendait de lui. Diancecht le suivit donc à la Brug et
entreprit de soigner immédiatement Mider, dont l’œil fut bientôt guéri.
« Fort bien, dit Mider, mon voyage sera donc bon et agréable, puisque me
voici remis de ma blessure. – Ce sera encore plus vrai, reprit Angus, si tu
demeures ici pendant une année, jusqu’à la prochaine fête de Samain .
Tu seras mon hôte et auras tout loisir de visiter ma terre et de t’entretenir
avec mes amis. – Je ne saurais rester, répondit Mider, à moins d’obtenir une
compensation pour le dommage et la honte que j’ai subis. – Et quelle est cette
compensation ? demanda le Mac Oc. – Ce n’est pas difficile : un char
de la valeur de sept filles esclaves, un manteau qui puisse me convenir et la
plus belle fille d’Irlande. – Je possède le char et le manteau que tu
souhaites, dit Angus. – Mais, reprit Mider, il me faut aussi la jeune fille qui
surpasse toutes celles d’Irlande en beauté et en sagesse. – Où se
trouve-t-elle ? – En Ulster. Il s’agit d’Étaine, fille d’Echraide, roi du
nord-est. Elle est incontestablement la plus aimable, la plus sage et la plus
belle fille de toute l’Irlande. »
Sans perdre un instant, le Mac Oc se mit en route pour
l’Ulster et arriva bientôt à Mag Inis, où résidait le roi Echraide. On lui
souhaita la bienvenue, et il resta là trois nuits. On lui demanda pourquoi il
était venu. Il répondit qu’il désirait obtenir Étaine, la fille du roi.
« Tu ne l’auras pas, répondit Echraide, car, si je te l’accorde, je
n’obtiendrais plus rien de toi, vu les pouvoirs magiques que tu détiens. Et,
s’il advient quelque déshonneur à ma fille, personne, parmi les tribus de Dana,
ne voudra m’en payer la compensation. – Il n’en sera pas ainsi, je te l’assure,
dit Angus. Cependant, si tu refuses de me donner ta fille, je puis te l’acheter
sur l’heure. – Cela, dit le roi, je le veux bien. – Quel est ton prix ? –
Ce n’est pas difficile : il suffira que tu défriches dans mes terres douze
plaines qui sont couvertes de forêts afin d’en faire de bons pâturages pour mes
troupeaux, des lieux qui conviennent à la construction de maisons et puissent
servir de terrains de jeu ou d’assemblées. – Cela sera fait », répondit le
Mac Oc.
Au lieu de retourner chez lui, il se rendit auprès de son
père, Dagda, auquel il fit part de son problème. Dagda lui promit que le
travail exigé par Echraide serait accompli. Et, de fait, dès le lendemain, les
douze plaines étaient défrichées. Alors, Angus retourna chez Echraide et lui
réclama Étaine.
« Tu ne l’auras pas, dit le roi, à moins que tu ne
transformes en douze rivières tout ce que ce pays possède de sources, de marais
et de tourbières, de façon que leurs eaux se jettent dans la mer. Ainsi,
draineront-elles mes terres tout en procurant des poissons en abondance aux
tribus et aux familles de mon pays. – Cela sera fait », répondit le Mac
Oc.
Il alla de nouveau trouver son père, lui exposa la
situation, et Dagda fit si bien que douze grandes rivières se formèrent à
travers le pays d’Echraide avant de se jeter dans la mer par de larges
estuaires, chose que l’on n’avait jamais vue avant ce jour-là. Quand tout ce
travail fut terminé, Angus retourna chez le roi
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