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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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bien de cela. J’étais à l’entrée
de la grotte, à demi couché sur le sol, quand je vis arriver Nemed, fils
d’Agnoman, avec des hommes et des femmes qui le suivaient. Je les vis s’emparer
de l’île et, tout en les observant depuis l’entrée de la grotte, je ne voulus
pas me montrer. J’avais de longs cheveux, de grands ongles ; j’étais tout
gris, décrépit et nu, dans la misère et la souffrance. Un soir, je m’endormis
et, lorsque je me réveillai, au soleil du matin, je m’aperçus que j’avais pris
la forme d’un cerf. Alors, mon esprit se réjouit parce que j’avais une nouvelle
jeunesse.
    « Une fois revêtu de ma forme animale, je devins le
chef des troupeaux d’Irlande. De grandes hardes de cerfs roux couraient à ma
suite, à travers plaines et vallées, sur les montagnes et jusque vers les
estuaires. Telle fut ma vie au temps de Nemed. Ceux de son clan devinrent
nombreux et atteignirent jusqu’à quatre mille trente couples. Mais les gens de
Nemed eurent à combattre des géants qui venaient des îles, dans le brouillard,
et ceux qui ne s’exilèrent pas succombèrent les uns après les autres. Ainsi me
retrouvai-je seul, dans cette île, au milieu des grands troupeaux, dans le vent
qui venait du large, dans la pluie qui, m’inondant parfois, m’obligeait à
m’abriter sous les chênes de la forêt.
    « Et la vieillesse vint encore une fois alourdir mes
membres. Mais je savais que mon destin n’était pas encore accompli : il me
fallait revenir en Ulster, puisque c’est en cette contrée que j’avais déjà
changé d’aspect. Je pris donc la résolution de me réfugier dans une grotte, non
loin d’ici, et d’y attendre ce qui devait arriver. C’est alors que je vis
débarquer sur la terre d’Irlande ceux qu’on appelle les Hommes-Foudre. Ils
étaient très nombreux et occupèrent cette terre après avoir livré combat aux
géants des îles qui prétendaient les empêcher d’y vivre en paix. Je les vis se
poursuivre dans les vallées et le long des estuaires. Je les vis s’entre-tuer
et se pourchasser dans les forêts. Mais, à la fin, les Hommes-Foudre
demeurèrent les maîtres de ce pays. J’étais alors sur le seuil de mon antre, le
souvenir m’en est resté, très net et très précis. Je sais qu’à ce moment-là
changea une nouvelle fois l’aspect de mon corps, et je devins un sanglier. Je
me souviens même que je chantai un chant à propos de cette merveille :
     
    « Aujourd’hui, je suis sanglier.
    Je suis roi, fort et victorieux.
    Mon chant et mes paroles étaient agréables,
    autrefois, dans les assemblées,
    plaisant aux jeunes et jolies femmes.
    Mon char était beau et majestueux,
    ma voix avait des sons graves et doux,
    j’étais rapide dans les combats,
    j’avais un visage charmant.
    Mais, aujourd’hui, je suis un noir sanglier… »
     
    « Or, les Hommes-Foudre furent vaincus par d’autres
gens qui débarquèrent sur cette terre la nuit qui précédait les calendes de
mai. Je les ai vus brûler leurs navires sur le rivage et s’enfoncer dans les
vallées. Je les ai vus combattre les Hommes-Foudre dans les plaines. Ils
appartenaient aux tribus de la déesse Dana dont, dit-on, l’origine est
inconnue. Mais il est probable qu’ils venaient des cieux, tant leur
intelligence était brillante et tant leur science dépassait de loin celle de
tous les autres peuples de l’univers.
    « J’atteignis alors une autre fois la vieillesse. Mon
esprit fut assombri par la tristesse et la mélancolie. Je ne pouvais faire ce
que je faisais autrefois. Je ne voulais pas me mêler aux autres, et j’habitais
dans de sombres cavernes, dans des creux qui s’ouvraient entre de grands
rochers. Mais je fuyais tout ce qui bougeait, hommes et animaux. Je m’allongeai
alors sur le sol, il m’en souvient très clairement. Je me revoyais également
sous les formes que j’avais antérieurement revêtues, et ce souvenir augmentait
ma tristesse. Alors, je jeûnai pendant trois jours. Au bout de ces trois jours,
je sentis que je n’avais plus de force. Mais, sans m’en rendre compte, je fus
changé en un oiseau, un grand aigle de la mer. Mon esprit fut de nouveau
joyeux, et je sus alors que je serais capable de parcourir toute cette île sans
me fatiguer, en volant juste au-dessous des nuages. C’est ainsi que je
m’élançai dans les airs et que je fus témoin de tout ce qui se passait en
Irlande. Et je chantai ces quelques vers :
     
    « Aigle de la

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