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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’hommes braves et généreux
tombèrent dès lors sur le champ de la mort. Le massacre fut grand, et il fut
érigé par la suite bien des tombes en ce lieu. L’honneur et la honte furent côte
à côte. Il s’y mêla colère et férocité. D’abondants flots de sang coulèrent sur
la peau blanche des beaux guerriers qui, déchirés par les épées, s’opposaient
de la sorte, donnant des coups impétueux de leurs lances effilées. Ce furent
grand tumulte et grand fracas, tandis que les uns frappaient les autres à coups
de lance et d’épée. Rude était le tonnerre qui gronda tout du long : le
cri des guerriers répondait au bruit des boucliers qui se heurtaient, les épées
sifflaient dans les airs à la rencontre de la chair humaine, le craquement des
armures se mêlait au bruissement des javelots. Peu s’en fallait qu’extrémités
des doigts et jointures des jambes ne se confondissent dans le choc. Les héros
tombaient les uns sur les autres, tant glissait le sol sous les pieds, à cause
du sang répandu. Et les têtes s’entrechoquaient, faisant éclater les os du
crâne et répandant la cervelle sur l’herbe déjà souillée. Et la rivière
charriait des cadavres qui, emportés par le courant vers les lacs, s’y
amoncelaient.
    Parmi la mêlée, Lug au Long Bras semait la mort et la
destruction. Il avait revêtu un équipement merveilleux, inconnu, qui provenait
sans doute du Pays de la Promesse. Il avait une chemise de lin, brodée de fil
d’or sur la peau blanche, et sa tunique, ample et confortable, était
multicolore. Il avait revêtu son tablier très large et très beau, orné d’or fin
et muni de franges, d’agrafes, avec des bordures en argent, ainsi que sa
ceinture de guerre que nul n’aurait pu trancher, fût-ce avec la plus aiguisée
des épées du monde. Il arborait également une armure d’or épaisse, avec de belles
pommes incrustées de pierres précieuses, et il se protégeait derrière un large
bouclier de bois rouge recouvert d’or. Il avait saisi son épée, très longue et
très fine, mais sombre et des plus tranchantes ; il brandissait sa lance
dont le fer était empoisonné, une lance large, cruelle, à cinq pointes, à qui
personne ne pouvait échapper. Mais, surtout, il avait pris sa massue de
bataille, en fer très solide, et sa fronde qui lui permettait de lancer des
boules de fer redoutables qui ne manquaient jamais leur but.
    C’est sous cet aspect que se leva le puissant soutien du
pays, le valeureux Lug au Long Bras, prêt à attaquer quiconque se présenterait
devant lui, prêt à entraîner tous les guerriers des tribus de Dana par son
exemple d’homme fort et puissant, d’homme qui ne tremblait jamais devant ses
ennemis. Il avait en lui la colère d’un lion enragé, le bruit des vagues de la
mer au moment des grandes tempêtes, le grondement de l’océan aux écumes bleues
et vertes quand la marée se précipite à l’assaut du rivage. Et les guerriers de
Dana le suivaient dans son élan impétueux.
    Soudain, Lug au Long Bras se trouva en face de Balor,
champion des Fomoré qui était le père d’Ethné, elle-même mère de Lug. Balor
était puissant et redoutable, et jamais personne ne l’avait vaincu. Il avait un
œil maléfique, mais cet œil ne s’ouvrait qu’au cours des combats. Quatre hommes
étaient alors obligés de lui soulever la paupière avec un croc bien poli. Ceux
que frappait le regard de cet œil n’y pouvaient résister, et ils étaient paralysés
par la peur. Le sortilège de cet œil était la conséquence d’un charme que Balor
avait reçu dans sa jeunesse. Les druides de son père faisaient bouillir un
chaudron dans lequel ils avaient placé des herbes magiques et des incantations,
il avait ouvert la fenêtre et regardé au-dehors de telle sorte que la vapeur
empoisonnée qui s’échappait du chaudron l’avait atteint dans l’œil. Et, depuis
lors, on ne l’appelait plus que Balor à l’œil maléfique.
    Une fois devant Balor, Lug au Long Bras lui demanda de cesser
le combat, pour que les Fomoré fussent épargnés dans la bataille et qu’ils
pussent retourner sains et saufs dans leurs îles sous le brouillard. Il ajouta
que ce n’était pas par peur qu’il parlait ainsi, mais pour mettre fin à une
rencontre qui avait déjà coûté trop de morts et de blessés. Alors, Balor se
tourna vers ceux qui l’assistaient. « Garçons, dit-il, soulevez-moi la
paupière, afin que je voie le bavard qui me parle avec

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