Les contrebandiers de l'ombre
à Rhea par la suite ! C'est bien le moins qu'elle puisse faire ! J'en ai encore des cauchemars !
— Enfin, ma chérie... fit sir Jeremy, outré. Nous sommes parfaitement satisfaits de savoir qu'elle est maintenant de retour à Camareigh, où nous sommes honorés d'être ainsi invités, alors que Rhea vient à peine de rentrer.
— Vous faites partie de la famille, Jeremy, intervint le duc avec bonhomie.
Sir Jeremy avait fait de son mieux pour élever son unique enfant, orpheline de mère.
— Oh, papa ! Ne sois pas sot ! Je suis la meilleure amie de Rhea et c'est mon devoir de couper court aux bruits scandaleux qui courent à son propos à travers Londres. Ma chère, as-tu réalisé combien ta réputation n'est plus, enfin...
Elle s'arrêta, un peu confuse, mais elle savait que Rendale était très sensible sur ce sujet et qu'il ne s'allierait pas avec une femme dont l'honneur aurait été mis à mal, même s'il s'agissait de la fille du puissant duc de Camareigh.
— Caroline ! s'exclama sir Jeremy, le visage couleur aubergine.
— Eh bien ! C'est la vérité ! protesta Caroline, indignée de cette interruption, saisissant l'occasion pour dire ce qu'elle entendait dire. On dit bien que Rhea n'est plus un aussi beau parti qu'avant. C'est tout à fait odieux, mais que peut-on y faire ?
Elle avait toujours détesté son amie du fond du cœur, envieuse qu'elle était du titre, de la fortune et du renom des Dominick, sans parler de l'incroyable beauté de Rhea. Cela l'avait toujours plongée dans un perpétuel mécontentement depuis le début de l'adolescence.
Croyant avoir mis la jeune femme dans une délicate position, elle fut stupéfaite d'entendre le rire cristallin de Rhea. Les pétroles de commisération moururent sur ses lèvres.
— Comme c'est gentil de te préoccuper de mon bien-être, Caroline ! dit Rhea. Mais, tu vois, tu n'as plus besoin de te faire du souci. Je ne suis effectivement plus un bon parti, ni même un parti tout court, car je suis tout simplement mariée.
Le cri d'étonnement de Caroline fut couvert par l'exclamation du seigneur de Rendale.
Caroline pouvait exulter : elle n'avait plus de rivale pour conquérir ce dernier.
— C'est merveilleux !
Pour la première fois de sa vie, Caroline était sincère.
— Est-ce vrai ? demanda Rendale à deux doigts de l'apoplexie.
— Mais bien sûr ! répondit Rhea, cherchant à capter le regard de son père, qu'accaparaient des pensées vagabondes.
Pauvre Wesley, pensait-elle, ressentant de la pitié pour ce triste et pompeux seigneur de Rendale, l'éternel malchanceux. Il avait l'air d'un navire après la tempête, et elle était sur le point de suggérer à son père de lui offrir un cognac pour lui redonner un peu de couleurs, quand il demanda d'un air offensé :
— Ce n'est pas quelqu'un des colonies que tu as épousé ? Ou un marin ?
Comment pourrait-il montrer le nez à Londres si on y apprenait qu'il avait été supplanté par un loup de mer sans fortune ni nom ? Quelle humiliation !
Rhea acquiesça d'un mouvement de la tête, avec un sourire béat. Tous les coups portaient.
Elle savait que ce pauvre Rendale serait sauvé si, bien que de réputation douteuse, l'heureux élu avait un titre ou une fortune.
— Mon mari s'appelle Leighton, Dante Leighton. Il était capitaine du Dragon des mers sur lequel j'ai embarqué à Charlestown et qui m'a ramenée saine et sauve en Angleterre.
Il aurait été difficile de trouver mine plus misérable que celle du seigneur de Rendale à cet instant. Son univers s'écroulait.
— Un capitaine... fit-il, sans force.
— C'est cela, admit Rhea qui prenait plaisir à prolonger cette torture. (Elle accorda aussi quelques instants de joie à Caroline.) Oh, mais n'avais-je pas dit que Dante est aussi connu sous le nom de marquis de Jacobi ?
Même le duc ne put s'empêcher de sourire devant le changement instantané d'expression de Wesley et de Caroline.
— Un marquis ? soupira Caroline, désespérée. Rhea avait réussi, malgré ses infortunes, alors qu'on la pensait perdue, à se faire épouser par un marquis !
— Jacobi ? répéta Rendale, qui se targuait de connaître toutes les familles du royaume. Une famille de cette région ? du Devonshire ? Ils ont un château, qui doit dater du XI siècle, je crois bien. Le titre est très ancien, effectivement... Je crois avoir rencontré ce Dante Leighton.
C'était un joueur autrefois. Et il a perdu la plus grande partie des biens de sa
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