Les contrebandiers de l'ombre
famille. Ou même la totalité...
— Oui, c'est exact, et Dante s'est fait corsaire après avoir quitté l'Angleterre.
— Je crois me souvenir d'un scandale dans lequel il avait trempé, ajouta Rendale. Oh, rien que je tienne de première main, bien sûr. Mais je crois que je suis de quelques années plus jeune que lui. Ce qui ne contribuait pas peu à rassurer le seigneur de Rendale.
— Vraiment ? soupira Caroline, croyant comprendre qu'il s'agissait d'un coureur de dot. Oh, ma chère ! Comme c'est horrible ! Vous allez être forcés de vivre sur ta fortune personnelle ?
— Pas du tout. Dante est bien assez riche.
— Mais est-il si riche que ça ?
— Alors que j'étais à bord, nous avons découvert l'épave d'un galion espagnol qui recelait une énorme cargaison d'or et d'argent. Tous les membres de l'équipage sont riches à présent.
Certains sont pleins de projets et en mesure de les accomplir.
Le seigneur de Rendale grinça des dents. Une personne issue des basses classes, en possession d'une fortune, cela ne pouvait aboutir qu'au désastre. Bientôt la vermine se retrouverait à la table des plus belles maisons du royaume. Rendale admira ce salon chinois, meublé avec tant de goût et de discrétion, pensant combien il était dommage que deux grandes familles comme les leurs ne puissent s'unir. Il accepta avec plaisir le brandy que lui servit un valet en livrée bleu et or, pétri d'une dignité princière.
Essuyant un peu de crème qui décorait le bord de sa bouche, Caroline, l'esprit traversé par une soudaine idée, demanda, coupant la conversation qu'avait Rhea avec son père :
— Mais où est ton mari ?
— Il est encore à Londres pour en finir avec les affaires de son navire et de l'équipage, expliqua Rhea. Mais nous l'attendons d'un jour à l'autre, n'est-ce pas, père ?
Le duc sourit distraitement. Sir Jeremy savait par expérience que le sourire de lord Dominick ne présageait rien de bon.
— Sans aucun doute, ce gentilhomme viendra. Un joueur ne peut résister à un défi... ou à un pari.
Et que ce défi, ou ce pari, fût en faveur de Dante Leighton ou non, seul le duc de Camareigh semblait avoir des lumières sur ce point.
Chapitre 8
Dante Leighton découvrit Camareigh pour la première fois par l'une de ces rares journées d'automne où la chaleur est celle de l'été. Le château dominait un paysage langoureux du Somerset. Ces parages, joliment plantés de jardins et de vergers entretenus avec soin, étaient couronnés de chênaies profondes, parsemées de fraisiers sauvages et habitées par des daims craintifs.
Les yeux gris pâle de Dante, charmés par ce paysage, suivaient le vol des oiseaux au-dessus des prés verdoyants et des chemins creux, gardés par des haies, qui reliaient les fermettes blanchies à la chaux et coiffées de chaume. Glissant de la colline, un ruisseau coulait le long d'un vieux moulin repeint de frais, maintenant la grande roue crissant dans une continuelle révolution.
— Ooooh ! C'est Camareigh ? s'écria Conny pour la centième fois.
Ce n'était pas la première propriété dont ils avaient pu apercevoir les hauts murs à travers les portes en fer forgé, depuis qu'ils s'étaient mis en route.
Dante promenait un regard intense sur cette scène pastorale et se surprit à penser combien ce domaine des ducs de Camareigh avait probablement fort peu changé depuis des siècles. Il songea qu'il partageait les mêmes impressions que nombre de visiteurs morts depuis longtemps.
Même sans avoir demandé leur chemin au maréchal-ferrant du dernier hameau qu'ils avaient traversé, Dante aurait reconnu, d'après les descriptions de Rhea, la grande maison aux pierres arrondies par le temps et les intempéries, et les hautes fenêtres. Du flanc de cette colline, ils avaient une vue complète sur le domaine des Dominick. Les bâtiments avaient une forme de H, deux ailes vers l'ouest et vers l'est, reliées par des tours. Un certain nombre de constructions s'ajoutaient au château lui-même, les plus larges étant les écuries. Au portique central aboutissait un chemin bordé de châtaigniers. Mais avant d'atteindre cette avenue ombragée, il fallait franchir les portes en fer forgé qui surveillaient l'entrée. Sur le côté, se trouvait la maison du concierge, où des molosses devaient tenir compagnie au tromblon du gardien. Dante Leighton se demanda quels ordres ce dernier avait reçus à son sujet.
— Nous n'allons pas plus loin ? demanda
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