Les croisades vues par les arabes
mit en liberté, eux et leur suite .
Pendant plusieurs mois, les événements semblèrent donner raison au maître du Caire. Tout se passait en effet comme si les Franj, mis devant le fait accompli, avaient renoncé à aller plus loin. Les poètes de la cour fatimide ne trouvaient plus de mots suffisamment élogieux pour célébrer l'exploit de l'homme d'Etat qui avait arraché la Palestine aux « hérétiques » sunnites. Mais lorsqu'en janvier 1099 les Franj reprennent résolument leur marche vers le sud, al-Afdal s'inquiète.
Il dépêche l'un de ses hommes de confiance à Constantinople pour consulter Alexis, qui lui fait alors, dans une lettre célèbre, l'aveu le plus bouleversant qui soit : le basileus n'exerce plus aucun contrôle sur les Franj. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces gens-là agissent pour leur propre compte, ils cherchent à établir leurs propres Etats, refusant de rendre Antioche à l'empire, contrairement à ce qu'ils avaient juré de faire, et semblent résolus à prendre Jérusalem par tous les moyens. Le pape les a appelés à la guerre sainte pour s'emparer du tombeau du Christ, et rien ne pourra les détourner de leur objectif. Alexis ajoute que, pour sa part, il désavoue leur action et s'en tient strictement à son alliance avec Le Caire. Malgré cette dernière précision, al-Afdal a l'impression d'être pris dans un engrenage mortel. Etant lui-même d'origine chrétienne, il n'a aucun mal à comprendre que les Franj, qui ont la foi ardente et naïve, soient déterminés à aller jusqu'au bout de leur pèlerinage armé. Il regrette maintenant de s'être lancé dans son aventure pafestinienne. N'aurait-il pas mieux valu laisser les Franj et les Turcs se battre pour Jérusalem au lieu de se mettre lui-même, gratuitement, en travers de la route de ces chevaliers aussi courageux que fanatiques ?
Sachant qu'il lui faut plusieurs mois pour lever une armée capable d'affronter les Franj, il écrit à Alexis, le conjurant de faire tout ce qui serait en son pouvoir pour ralentir la marche des envahisseurs. De fait, le basileus leur envoie. en avril 1099, pendant le siège d'Arqa, un message leur demandant de retarder leur départ vers la Palestine, car, prétexte-t-il, il va bientôt arriver en personne pour se joindre à eux. De son côté, le maître du Caire fait parvenir aux Franj de nouvelles propositions d'accord. Outre le partage de la Syrie, il précise sa politique à l'égard de la Ville sainte : une liberté du culte strictement respectée et la possibilité pour les pèlerins de s'y rendre chaque fois qu'ils le désireront, à condition, bien entendu, d'y aller en petits groupes et sans armes. La réponse des Franj est cinglante : « Nous irons à Jérusalem tous ensemble, en ordre de combat, les lances levées! »
C’est une déclaration de guerre. Le 19 mai 1099, joignant l'acte à la parole, les envahisseurs franchissent sans hésiter Nahr-el-Kalb, la limite nord du domaine fatimide.
Mais le « Fleuve du chien » est une frontière fictive, car al-Afdal s'est borné à renforcer la garnison de Jérusalem, abandonnant à leur sort les possessions égyptiennes du littoral. Aussi, toutes les villes côtières, à une exception près, s'empressent-elles de pactiser avec l'envahisseur.
La première est Beyrouth, à quatre heures de marche de Nahr-el-Kalb. Ses habitants dépêchent une délégation au-devant des chevaliers, promettant de leur fournir or, provisions et guides, à condition de respecter les récoltes de la plaine environnante. Les Beyrouthins ajoutent qu'ils seraient prêts à reconnaître l'autorité des Franj si ceux-ci parvenaient à prendre Jérusalem. Saïda, l'antique Sidon, réagit différemment. Sa garnison effectue plusieurs sorties audacieuses contre les envahisseurs, qui se vengent en dévastant ses vergers et en pillant les villages voisins. Ce sera le seul cas de résistance. Les ports de Tyr et d'Acre, pourtant faciles à défendre, suivent l'éxemple de Beyrouth. En Palestine, la plupart des villes et des villages sont évacués par leurs habitants avant même l'arrivée des Franj. A aucun moment, ces derniers ne rencontrent de vraie résistance et, dès la matinée du 7 juin 1099, les habitants de Jérusalem les voient apparaître au loin, là-bas, sur la colline, près de la mosquée du prophète Samuel. On entend presque leur clameur. En fin d'après-midi, ils campent déjà sous les murs de la cité.
Le général. Iftikhar
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