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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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nouvelle, dit Ibn al-Qalanissi, Bohémond, roi des Franj et maître d'Antioche, rassembla ses hommes et marcha contre l'armée musulmane. Entreprise téméraire car, pour atteindre la cité assiégée, le chef franc doit chevaucher pendant une semaine à travers un territoire montagneux solidement tenu par les Turcs. Informé de son approche, Danishmend lui tend une embuscade. Bohémond et les cinq cents chevaliers qui l'accompagnent sont accueillis par un barrage de flèches qui s'abattent sur eux dans un étroit passage où ils ne parviennent pas à se déployer. Dieu donna la victoire aux musulmans qui tuèrent un grand nombre de Franj. Bohémond et quelques-uns de ses compagnons furent capturés . On les conduit, enchaînés, vers Niksar, au nord de l’Anatolie. 
    L'élimination successive de Saint-Gilles, de Godefroi et de Bohémond, les trois principaux artisans de l'invasion franque, apparaît à tous comme un signe du ciel. Ceux qui étaient anéantis par l'apparente invincibilité des Occidentaux reprennent courage. N'est-ce pas le moment de leur assener un coup décisif? Un homme, en tout cas, le souhaite vivement. C'est Doukak.
    Qu'on ne s'y trompe pas, le jeune roi de Damas n'a rien d'un défenseur zélé de l'islam. N’a-t-il pas amplement prouvé lors de la bataille d'Antioche qu'il était prêt à trahir les siens pour servir ses ambitions locales? Ce n'est d'ailleurs qu'au printemps de 1100 que le Seldjoukide a découvert subitement la nécessité d'une guerre sainte contre les infidèles. L'un de ses vassaux, un chef bédouin du plateau du Golan, s'étant plaint des incursions répétées des Franj de Jérusalem qui pillaient ses récoltes et volaient ses troupeaux, Doukak a décidé de les intimider. Un jour de mai, tandis que Godefroi et son bras droit Tancrède, un neveu de Bohémond, revenaient avec leurs hommes d'une raziia particulièrement fructueuse, l'armée de Damas les a attaqués. Alourdis par le butin, les Franj ont été incapables d'engager le combat. Ils ont préféré s'enfuir, laissant derrière eux plusieurs morts. Tancrède lui-même s'est échappé de justesse.
    Pour se venger, il a organisé un raid de représailles dans les environs mêmes de la métropole syrienne. Les vergers ont été dévastés, les villages pillés et incendiés. Pris au dépourvu par l'ampleur et la rapidité de la riposte, Doukak n'a pas osé intervenir. Avec sa versatilité habituelle, regrettant déjà amèrement son opération au Golan, il est allé jusqu'à proposer à Tancrède de lui payer une forte somme s'il consentait à s'éloigner. Bien entendu, cette offre n'a fait que renforcer la détermination du prince franc. Estimant, en toute logique, que le roi était aux abois, il lui a envoyé une délégation de six personnes pour le sommer de se convertir au christianisme ou de lui livrer Damas. Rien de moins. Outré de tant d'arrogance, le Seldjoukide a ordonné d'arrêter les émissaires et, en bégayant de colère, leur a enjoint, à son tour, d'embrasser l'islam. L'un d'eux a accepté. Les cinq autres ont eu, sur-le-champ, la tête tranchée.
    A peine la nouvelle était-elle connue que Godefroi venait se joindre à Tancrède et, avec tous les hommes dont ils disposaient, ils s'adonnèrent, pendant dix jours, a une entreprise de destruction systématique des alentours de la métropole syrienne. La riche plaine de la Ghouta, qui entoure Damas comme le halo entoure la lune , selon l'expression d'Ibn Jobair, offrait un spectacle de désolation. Doukak ne bougeait pas. Enfermé dans son palais de Damas, il attendait que l'ouragan passe. D'autant que son vassal du Golan rejetait sa suzeraineté et que désormais c'était aux maîtres de Jémsalem qu'il paierait le tribut annuel. Plus grave encore, la population de la métropole syrienne commençait à se plaindre de l'incapacité de ses dirigeants à la protéger. Elle maugréait contre tous ces soldats turcs qui se pavanaient comme des paons dans les souks mais qui disparaissaient sous terre dès que l'ennemi était aux portes de la ville. Doukak n'avait plus qu'une obsession : se venger, et le plus tôt possible, ne serait-ce que pour se réhabiliter aux yeux de ses propres sujets.
    On imagine aisément que dans ces conditions la mort de Godefroi ait causé une immense joie au Seldjoukide, qui, trois mois auparavant, y serait resté à peu près indifférent. Survenue quelques jours plus tard, la capture de Bohémond l'encourage à entreprendre

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