Les Décombres
d’un grand renom. Les étudiants, sous la conduite de Pères très réputés, s’y livraient gravement à une reconstitution des mœurs parlementaires, avec élections, commissions, motions, amendements, comités, discours, où de jeunes cuistres admirablement doués pour ces gentillesses s’entre félicitaient, à vingt ans, avec quelles voix de cochets, de leurs « lumineux exposés », se bombardaient présidents et vice-présidents. Le tout était fait au suprême degré pour dégoûter des garçons d’esprit religieux, mais de quelque délicatesse. L’Église comptait sans doute par ce moyen rompre la nouvelle génération aux débats du régime, reforger son parti. Le prolétaire, dans ces entreprises, n’apparaissait que comme thème d’académiques et édifiantes controverses.
Regardons le monde catholique, tel que l’ont façonné ses prêtres. Nous voyons la bourgeoisie la plus sèche et la plus étroite. Tous ceux qui ont eu à gagner leur pain quotidien au bas de l’échelle – j’ai été de ceux-là pour ma part – peuvent en servir de témoins : sauf de bien rares hasards, il n’est pas de patron plus dur et plus ladre que le patron qui va à la messe. Il faut voir cela à Lyon, la ville très catholique, et dans les chiourmes des Assurances, où tous les conseils d’administration pensent bien. Les physionomies les plus racornies, les plus rogues du capitalisme français, ses formes de servage les plus archaïques se rencontrent immanquablement chez les pratiquants.
Des catholiques, laïcs ou clercs, ont senti ce qu’avait d’odieux ce pelotage du coffre-fort qui demeure la plus solide tradition de l’Église. Mais leur dégoût ne les a conduits qu’à exciter le fiel des pauvres diables, à regonfler des utopies crevées. Le Sillon est demeuré la cellule-mère de tout ce socialisme chrétien qui pue le juif à cent pas. Le catholicisme n’a rien voulu connaître d’autre que Leroy-Beaulieu ou Karl Marx. Pas un conseil sain et viril n’est sorti de sa bouche, dans un temps où le désarroi des hommes a été si cruel. Il n’a su maintenir que le « connubium castum » dans la bourgeoisie pratiquante, la seule qui ne renâcle pas à la reproduction. Le mariage antihydraulique ne peut d’ailleurs être qu’en faveur dans cette crasseuse espèce. Lorsqu’on voit ses blafardes progénitures, on se demande ce qu’y gagne le corps de la nation.
Une telle faillite tient à des causes graves, qu’il faudrait suivre dans le tréfonds des âmes et des institutions.
La plus vaste est sans doute une dégénérescence intellectuelle, morale et philosophique de l’élite chrétienne, dont il suffit de voir autour de nous les effets. Du côté des laïcs, quelle vision que les nouvelles « dernières colonnes de l’Église » : cette fielleuse hyène de Mauriac, cet aberrant et lugubre pochard de Bernanos, ce phacochère de Louis Gillet, paillasson cochonné d’encre où tous les youtres de Pourri-Soir se sont essuyé les pieds ; ou bien Henry Bordeaux, chapiteau en sucre d’orge et réglisse, où pendillent les bons dieux de chez Bouasse-Lebel ; ou encore parmi les trépassés d’hier, un vénéneux champignon de grimoire, tel que le petit père Georges Goyau. Quelques talents à côté, mais tous tellement spécieux, tellement équivoques, dont chaque ligne zigzague parmi des tares sexuelles, impuissants obsédés, masturbés choisissant les bénitiers pour tinettes, pédérastes cherchant Dieu au trou du cul des garçons. Un seul écrivain véritable et sain dans l’obédience catholique, Paul Claudel, mais politiquement un imbécile pyramidal.
On chercherait bien vainement les grands théologiens, les grands tribuns de Dieu, capables de rendre au dogme sa pointe, de mordre sur une incroyance quelque peu réfléchie, de replacer dans le courant de la vie les plus hauts problèmes d’éthique et de métaphysique. Il n’existe pour ainsi dire plus de Docteurs sachant défendre leur pensée contre un usage politique. Les derniers font figure de spécialistes relégués dans un emploi anodin et désuet, comme des sacristains de la doctrine dont ils passent les vieilles propositions à l’encaustique.
Tenons-nous en à ce qu’un catholique de culture simplement honorable peut observer. Écoutez le carême de Notre-Dame cet hiver. Quoi ! à cette chaire illustre, dans une année aussi capitale pour elle que pour nous, l’Église n’a pu déléguer que ce
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